Nico et Tangerine Dream, Cathédrale de Reims, 1974
C’était un vendredi 13 décembre, j’étais parti en auto-stop de Paris, pour un concert improbable de Nico, la chanteuse éphémère de Velvet Underground, ex-égérie d’Andy Warhol, en première partie de Tangerine Dream, un groupe allemand des débuts de la musique électronique dite psychédélique, parmi les premiers utilisateurs de synthétiseurs.
Le concert avait été organisé localement par un petit groupe d’amateurs de rock, « Musique Action Reims », qui avaient réussi à convaincre l’évêché d’accueillir ces musiciens dans la cathédrale, celle qui avait vu le sacre de quelques rois de France. L’autorisation avait donc été donnée par les autorités ecclésiastiques, qui étaient loin d’imaginer que trois mille spectateurs venus de toute l’europe allaient déferler dans ce lieu saint.
Nico venait de sortir son disque « The end », avec John Cale et Eno, et aussi Phil Manzanera, du groupe Roxy Music. Là, elle était toute seule sur scène, avec son harmonium. Dans la cathédrale, le son était tout simplement incroyable. L’ambiance était, disons, recueillie. J’ai le souvenir de m’être promené dans les travées, et d’avoir été impressionné par les scènes que je voyais. Il y avait assez peu d’encens dans les fumées qui s’élevaient dans la pénombre. On pouvait parler de communion, d’une certaine manière. La chanson des Doors, the end, prenait ici un sens particulier.
This is the end, beautiful friend,
This is the end, my only friend.
The end, it hurts to set you free,
But you’ll never follow me.
The end of laughter and soft lies,
The end of nights we tried to die,
This is the end.
This is the end, my only friend.
The end, it hurts to set you free,
But you’ll never follow me.
The end of laughter and soft lies,
The end of nights we tried to die,
This is the end.
Pas très gai, finalement, mais musicalement ça se rapproche des requiems classiques…
Pour Tangerine Dream, leur album Phaedra venait de sortir, et connaissait le succès, surtout par le bouche-à-oreille. Nouveau son, nouvelle ère, avec le tout nouveau Moog Synthetizer, qui était en train de devenir un instrument incontournable de la scène musicale, popularisé par la bande originale de Walter Carlos, devenu entretemps Wendy Carlos, pour le film de Kubrick Orange Mécanique.
Les trois musiciens de Tangerine Dream – Peter Bauman, Chris Franke et Edgar Froese, décédé en janvier dernier- ont donc joué de leurs synthétiseurs pendant près de deux heures, avec une musique spéciale, je dirais même plus, spatiale. Je me rappelle être sorti de la cathédrale à la fin du concert, et avoir croisé un groupe de policiers agressifs, tenant en laisse un chien muselé. Il y avait eu quelques débordements dans la cathédrale, et le lieu avait été laissé dans un état second, lui aussi, mais Dieu merci, elle a été re-sanctifiée le dimanche suivant, pour Noël. Dans les années qui ont suivi, on a vu assez peu de concerts rocks dans les églises, et pourtant, quelle acoustique !
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