COMMENT L’ENTREPRISE ELARGIE RE-ENCHANTE LE MONDE
Un article de
Michel Saloff-Coste dans le livre : Ré-enchanter le futur.
Michel Saloff Coste a vingt ans d’expérience dans l’accompagnement de
dirigeants et d’équipe de direction. Il a développé une méthode originale de
coaching stratégique qui articule Développement du Potentiel Individuel (DPI)
et Développement du Potentiel de l’Entreprise (DPE). Ses conférences en Europe,
en Amérique et en Asie ont touché plusieurs milliers de personnes. Il est
l'auteurs de nombreux ouvrages de références dans le domaines du management.
"Science
sans conscience n'est que ruine de l'âme".
Blaise Pascal
"Dans
les temps faciles les esprit mécaniques suffisent mais en période de crise il
faut du cœur et même du génie" Charles de Gaulle
Rien
n'est plus puissant qu'une idée lorsque son temps est arrivé ! Victor Hugo
J'ai souvent été amené à éclairer
les entreprises sur leur futur et leur choix stratégique. Mon expérience m'a montré
combien il est difficile de distinguer les vrais enjeux. Face à la métamorphose
contemporaine du monde les entreprises vont devoir profondément se transformer
pour pouvoir être légitime et continuer a créé de la valeur ajouté.[1] Le sujet
traiter dans cet article est la question de l’entreprise élargie : une tendance
de fond qui est en train de toucher toute les entreprises en modifiant
profondément le rôle futur que peuvent avoir les Ressources Humaines dans les
organisations.
Les enjeux des entreprises au
cours du XXème siècle ont été souvent marqués par des caractéristiques bien définies
:
Une stratégie dominée par la
nécessité de résultats trimestriels et donc une dictature du court terme. Cette
logique et souvent accompagnée d’une emphase forte donnée à la rationalité. Par
ailleurs les intérêts de l’entreprise sont surtout économiques. Pour résumer
l’entreprise est essentiellement préoccupée par le court terme, l’économique et
la rationalité.
Cette vision de l’entreprise "étroite"
est directement liée à la relation forte entre les investisseurs, "stock
holders" et l’équipe de direction, chargée d’exécuter une stratégie de
retour sur investissement. Ce tropisme s’amplifie jusqu'aux crises à
écologique, sociale et économique du début du XXIème siècle. Ces crises
interrogent radicalement les entreprises sur leur capacité à créer de la
richesse économique mais aussi leur responsabilité sociale et écologique. Ces
crises, dans leur radicalité, interrogent la rationalité classique du progrès.
Cette vision étroite de l’entreprise apparaît de plus en plus discutable en
mesure que l’entreprise est amenée à considérer l’ensemble de ces parties
prenantes, "share holders" !
Dans les années qui viennent les
enjeux économique mais aussi sociales et écologiques emmèneront des interrogations qui susciteront à juste
titre beaucoup d’émotions et de questions philosophiques et spirituelles.
Les entreprises se retrouvent confrontées
à ce qu’elles ont souvent voulu évacuer en l'externalisant en dehors de
l’entreprise. L’entreprise du futur ne peut plus être seulement économique, à
court terme et rationnelle. Il lui faudra de plus en plus se positionner face à
des enjeux à long terme, écologiques et spirituels. Elle devra aussi être
sociale, gérer le moyen terme et avoir des réponses au désarroi émotionnel de
chacun. Ce nouveau défi est c’est que nous appelons "l’entreprise
élargie".
Derrière cette évolution se
dessine une entreprise qui prendrais en
compte le cout terme, mais aussi le moyen et le long terme ; une
entreprise économique mais aussi social et écologique ; d’une entreprise
capable de penser rationnellement mais aussi dotée d’une véritable intelligence
affective et spirituelle.
Une entreprise de ce type serait
capable de faire du profit mais serait aussi capable de traiter humainement ses
clients et ses collaborateurs tout étant capable d’apporter sa pierre dans
l’élaboration de la vérité, de la bonté et de la beauté dans le cadre du
progrès spirituel de l’humanité.
Dans la pratique nous sommes encore souvent
bien loin de cette entreprise élargie.
Il est clair, malgré tout, que
depuis trente ans se construisent petit à petit de nouveaux discours sur l’entreprise
qui vont dans le sens de l'entreprise élargie. Il est possible même que la
crise économique, la crise de société et la crise écologique précipitent la fin
des entreprises dont la vision est trop étroite surtout lorsque par leurs
fautes et leur aveuglement des millions de personnes mourront de faims, de soif
et verront leur terre inondé par la monté du niveau de la mer.
Un film comme "The corporation"
qui a été largement diffusés montrent comment la vision étroite de l’entreprise
classique justifie des comportements qui sont souvent responsable des crises
que nous traversons aujourd’hui. A mesure que ces crises vont s’amplifier on
peut anticiper que les entreprises seront de plus en plus confrontées et
critiquées du fait de leur manque de responsabilité globale. Une responsabilité
qu'elles n’assume pas du fait de leur vision étroite de leur rôle.
Dans cet article nous explorerons,
qu'elles sont les caractéristiques d’une entreprise élargie, le rôle
particulier des ressources humaines dans ce type d'entreprise et enfin comment
développer les talents dans l'entreprise élargie ?
Les caractéristiques d’une entreprise élargie
Les différentes dimensions de
l'entreprise élargie peuvent être analysé selon trois axes :
·
un axe de durabilité : Economique, Sociale,
Ecologique
·
un axe de temporalité : Courte, Moyenne, Longue
·
un axe de profondeur: Rationnel, Emotionnel, Spirituel
Les différent axes se suscitent
mutuellement : la question de la durabilité amène à se poser des questions de
temporalité et à approfondir son questionnement au-delà d'une rationalité étroite.
Approfondissons, tout d'abord,
l'axe de durabilité : Economique, Sociale, Ecologique
Le développement durable (ou
développement soutenable, anglicisme tiré de Sustainable development) est une
conception récente de l'intérêt public, c'est un mode de développement appliqué
à la croissance et reconsidéré à l'échelle mondiale afin de prendre en compte
les aspects écologiques et culturels généraux de la planète. Il s'agit, selon
la définition proposée en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement
et le développement dans le Rapport Brundtland:
« Un développement qui répond aux besoins
des générations du présent sans compromettre la capacité des générations
futures à répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le
concept de « besoins », et plus particulièrement des besoins essentiels des
plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée
des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale
impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à
venir. »
Le philosophe français Michel Foucault
aborde ces questions sur le plan épistémologique. Il parle de changements de
conception du monde, qui se produisent à différentes époques de l'Histoire. Il
appelle ces conceptions du monde, avec les représentations qui les
accompagnent, des épistémès. J'ai moi même développé cette approche dans le
cadre de mes recherches sur "Le management systémique de la
complexité" et "Le management du troisième millénaire"[2]
en tentant de dégager les grandes caractéristiques "épistémologique"
de l'ère contemporaine. La formule « agir local, penser global », employée par
René Dubos au sommet sur l'environnement de 1972, est souvent invoquée dans les
problématiques de développement durable. Elle montre que la prise en compte des
enjeux environnementaux et sociaux nécessite de nouvelles heuristiques, qui
intègrent le caractère global du développement durable. Elle fait penser à la
philosophie de Pascal, plutôt qu'à celle de Descartes, celle-ci étant davantage
analytique. En pratique, elle devrait se traduire par des approches
systémiques.
L'objectif du développement
durable est de définir des schémas viables qui concilient les trois aspects économique,
social, et environnemental des activités humaines : « trois
piliers » à prendre en compte par les collectivités comme par les
entreprises et les individus. La finalité du développement durable est de
trouver un équilibre cohérent et viable à long terme entre ces trois enjeux. À
ces trois piliers s'ajoute un enjeu transversal, indispensable à la définition
et à la mise en œuvre de politiques et d'actions relatives au développement
durable : la gouvernance.
La gouvernance consiste en la
participation de tous les acteurs (citoyens, entreprises, associations,
élus...) au processus de décision ; elle est de ce fait une forme de
démocratie participative.
Le développement durable n'est
pas un état statique d'harmonie mais un processus de transformation dans lequel
l'exploitation des ressources, le choix des investissements, l'orientation des
changements technologiques et institutionnels sont rendus cohérents avec
l'avenir comme avec les besoins du présent.
Les trois piliers se renforcent
mutuellement et sont synergiques les uns avec les autres pour bonifié
l'entreprise, cependant il existe une forte divergence de temporalité entre
chacun d'eux. Les entreprises ont tendance à privilégier le pilier économique
par ce qu'il concerne le court terme, le social, lui, a des effets plutôt a
moyen terme et la dimension environnementale concerne le long terme ! Le
développement durable oblige donc l'entreprise à élargir sa vision temporelle à
envisagée le court mais aussi le moyen et le long terme de manière prospective.
C'est ce qui nous amène
naturellement à l'axe de la temporalité : Courte, Moyenne, Longue.
L'élargissement de la vision
temporelle des entreprises amène naturellement le développement de la
prospective.
La prospective est une
démarche de prévision et analyse des avenirs possibles.
Le terme s'emploie souvent
lorsqu'il s'appuie sur des recherches scientifiques variées et des données
statistiques traduites en scenarii destinés à éclairer la réflexion pour des
choix et prises de décisions stratégiques.
La fonction première de la
prospective est de faciliter la prise de décision sur la base de scénarii
intégrant les tendances de fond, mais aussi les signaux faibles qui pourraient modifier
le cours des choses à court, moyen ou à long terme. L'individu ou le groupe
ainsi éclairés peuvent rationaliser ou préciser leurs stratégies afin de moins
s subir les évènements pouvant être considérés comme les plus probables.
L'exercice impose l'accès à un nombre suffisant de données pertinentes, parfois
traduites en modèles ou simplement en courbes de tendance.
Il faut parler
d'une démarche prospective car, une prospective efficace se fonde sur des
ajustements et des corrections en boucles rétroactives dans le temps. La prise
en compte de la prospective par les décisionnaires et différents acteurs de la
société modifie elle-même le futur. L'entreprise a travers ce travail de
prospective s'engage naturellement rationnellement mais aussi émotionnellement
et spirituellement !
Un certain nombre d'entreprises d'avant-garde
explore de nouvelles voies stratégiques créatives en "changeant de
damier" afin d'échapper à la concurrence frontale induite par les logiques
d'excellence mimétique.
Plus l'entreprise est créative et
décalée par rapport au contexte, plus elle devient "idéologique" et
d'une certaine manière "politique" et "spirituelle" parce
qu'elle est porteuse alors d'une "autre" vision du monde. "TF1, Benetton, Habitat ou Nike sont
des foyers d'idéologie plus proches, plus présents, plus actifs que la plupart
des partis politiques. […] Leur premier métier n'est plus de produire de la
valeur ajoutée, mais de dégager des valeurs capables de constituer une
identité, de provoquer l'adhésion à cette identité, et de rassembler autour
d'elles. Ces entreprises ont réalisé une double conversion exemplaire. Elles
ont reconnu dans le produit et le service l'accessoire, dans le sens et les
valeurs l'essentiel. Elles ont anticipé le triomphe de l'immatériel. Et elles
ont, souvent sans le savoir, sans même le vouloir, compris que le profit
découlerait du pouvoir idéologique".
[3]
C'est ce qui nous amène logiquement
à l'axe de la profondeur : Rationnel,
Emotionnel, Spirituel.
Il existe trois type d'intelligences
relativement distinctes[4] :
·
1 Niveau intellectuel formel: logique binaire
(oui ou non).
·
2 Niveau émotionnel turbulent: logique
intégrative (oui et non).
·
3 Niveau spirituel vide: logique paradoxale (ni
oui ni non).
Du fait des nouveaux moyens de communication
toutes les informations sont aujourd'hui accessibles. Dès lors, les méthodes
stratégiques uniquement rationnelles qui appliquent des modes de traitements
identiques aux mêmes informations risquent de produire les mêmes décisions
stratégiques.
Seule une stratégie créative
"profonde" qui ré-enchante le monde spirituellement, émotionnellement
et rationnellement parce qu'elle fait appel à un authentique travail
d'inspiration et de vision, peut créer de la valeur à court, moyen et long
terme pour l'ensemble des parties prenantes de l'entreprise : clients,
actionnaires, fournisseurs, citoyens, planète.
La "stratégie créative en profondeur"
est un moyen essentiel pour répondre de façon innovante aux enjeux d'un
développement durable, écologique, socialement responsable et néanmoins
économiquement rentable !
"La
stratégie créative répond à la nécessité pour chaque entreprise de générer en
permanence des alternatives non prévisibles et difficilement accessibles aux
concurrents, résultats d'un regard inédit porté sur des informations
accessibles à tous. Leur génération suppose des moyens importants d'écoute et
de réaction pour traiter les signaux faibles de l'environnement, relayés par
des moyens de simulation inédits. Cela nécessite des compétences nouvelles en
sociologie et en psychologie pour compléter les compétences analytiques
classiques et créer ainsi des opportunités de développement inimaginables."[5]
La stratégie de singularisation peut très
bien jouer à la fois sur le principe de haut de gamme d'un produit de niche
réservé à une clientèle de luxe et sur le principe d'abondance et de faible
prix. Un bon exemple est Ikea qui mixe faible prix et design singulièrement
prestigieux.
La singularité peut se manifester à travers les
produits, les services et la communication qui les porte, mais certaines
entreprises sont allées encore plus loin, en réinventant des business models
très originaux et en rupture avec l'ensemble de leur industrie.
Les trois niveaux d'intelligence.
La stratégie pour générer massivement de la
valeur, décoller et échapper au piège concurrentiel du marché consiste à se
distinguer par la création d'une singularité, cette singularité peu être plus
ou moins "profonde" et fait appel à différent niveau d'intelligeance.
La manière la plus basique consiste à réaliser
une percée scientifique ou technique et à protéger cette singularité
rationnelle par un brevet. De manière plus subtile, les stratégies créatives
par singularisation de la marque et de l'enseigne développent un univers
sémantique (code, couleur, typographie) et émotionnel particulier qui capte et
retient l'attention de la clientèle et manipule ses émotions et ses désirs.
Plus subtilement encore, il s'agit d'interpeller le client sur le sens de sa
vie et lui faire des propositions originales. En l'espace d'un siècle, les
logiques de singularisation sont devenues de plus en plus sophistiquées. Nous
sommes passé, par exemple, dans le secteur de la communication, de l'annonce à
la publicité, pour aller vers la communication globale. Il ne s'agit plus de
fournir un produit ou même un service mais de faire vivre au client "une
expérience transformationnelle qui convoque son identité et le fait renaître
avec une conscience élargie du monde".
Dans ce contexte on peut
distinguer trois niveaux d'intelligence et de niveau d'innovation qui
s'emboitent :
La première dimension, que nous
appelons "formelle", correspond à la dimension logique binaire
"oui ou non" ; la deuxième dimension, que nous appelons
'turbulente", correspond à la logique intégrative "oui et
non" ; la troisième dimension que nous appelons "vide",
correspond à la logique paradoxale "ni oui, ni non".
Niveau intellectuel formel : logique binaire (oui ou non).
L'intelligence rationnelle
formelle : (par exemple"1+1=2") est la base de notre compréhension
logique. C'est la conscience incarnée dans la temporalité, qui manie plus ou
moins le raisonnement systématique rationnel et discursif. La conscience
formelle est celle que nous avons lorsque nous nous concentrons sur notre
corps, nos sens et notre intellect. La réflexion scientifique est bonne
gymnastique pour développer une conscience au niveau formel. On peut parler de "quotient
intellectuel" QI pour cerner ce type d'intelligence.
Niveau affectif turbulent : logique intégrative (oui et non).
L'intelligence affective
turbulente (par exemple "Je t'aime moi non plus") est la base de
notre sensibilité à l'art. C'est la conscience qui s'ouvre au sentiment
d'éternité qui nous envahit dans la contemplation artistique. C'est l'espace de l'émotion amoureuse. L'art
est le moyen le plus généralement connu par lequel un individu développe et
approfondit sa conscience du niveau turbulent. La conscience du niveau
turbulent est celle des affects, des désirs et de la sensibilité. On peut
parler de "quotient affectif" QA pour cerner ce type d'intelligence.
Niveau spirituel vide : logique paradoxale (ni oui ni non)
L'intelligence intuitive vide :
(par exemple "Dans la vallée de l'indicible s'inscrit le sommet de nos
mots") est la base de notre intuition spirituelle.
C'est la conscience qui s'ouvre à
l'intemporalité. C'est l'espace de la méditation. La conscience du vide est
celle de l'inspiration. On peut parler de "quotient spirituel" QS
pour cerner ce type d'intelligence.
Le génie de l'homme est inscrit
dans sa dimension spirituelle, il s'exprime dans l'effusion délicate du cœur à
travers l'art et vient féconder la raison pour renouveler la science.
Chaque niveau d'intelligence
demande du travail pour se cultiver et devenir vivant et porteur de sens. À chacun des niveaux
existent des erreurs à éviter : s'enfermer totalement dans le formel, se perdre
dans les circonvolutions du turbulent, projeter notre manque sur le vide.
Jacques Seguéla, , invoque le remplacement de
la "copie stratégie" par la "star stratégie" pour
l'élaboration de la communication par exemples des "lessives" qui non seulement lavent plus blanc mais
peuvent aussi, grâce à la sémiologie, procurer des illuminations sémantiques
aux clients des supermarchés. A ce propos, Thierry Gaudin, ancien Directeur du
Centre de Prospective du Ministère de la Recherche, parle à juste titre de
communication "hallucinogène". Attention aux dérives ! L'idéologie et
l'accent mis sur les valeurs peuvent conduire au totalitarisme. Et que dire
lorsque le sens et les valeurs sont portés par un chef charismatique amené
fatalement à s'éclipser de l'entreprise ? La singularité peut très vite se
transformer en conformisme à l'intérieur de l'entreprise et provoquer des
comportements sectaires. C'est au management qu'il incombe d'être vigilant sur
les excès possibles.
Cependant nous pouvons bénéficier
des lumières de la science sans pour autant nous réduire au matérialisme. Nous
pouvons bénéficier des intuitions de la spiritualité sans pour autant planer
dans l'idéalisme.
L'idéalisme est contraire à la
vraie spiritualité parce qu'il est sous-tendu par l'exorbitante vanité de
savoir ce qu'est "l'idéal" et donc de pouvoir en faire un objet. Nous
ne sommes plus dès lors dans la "spiritualité" mais dans le
fétichisme et Freud nous parle alors avec raison "d'infantilisme
psychique" et de "délire collectif": nous tentons de combler nos
angoisses par des projections paternelles ou maternelle transcendantes. La
vraie spiritualité est, tout le contraire, empreinte de modestie et d'ouverture
à l'altérité : ce "tout autre" que nous propose chaque instant dans
son caractère unique et singulier. Les témoignages spirituels de toutes les
civilisations et de toutes les cultures ont en commun ce message d'amour
universel. Il faut être dogmatique pour transformer ces messages d'amour en
sectarisme replié sur des formalismes désuets et des articles de foi plus
"abracadabrantesque"[6]
les uns que les autres. Il y a effectivement "délire collectif" quand
ce fétichisme maniaque débouche sur l'holocauste des "autres" ou tout
simplement l'ignorance et le désintérêt pour la richesse culturelle de la
différence.
Par ailleurs et, malgré les
apparences, le matérialisme est aussi peu scientifique que l'idéalisme est
spirituel. La science en tant qu'elle est décomposition analytique de processus
nous éclaire sur le "comment" mais jamais sur le
"pourquoi". Réduire la réalité à des processus sans finalité est
pratique pour les décomposer, mais l'expérience quotidienne nous fait
expérimenter chaque jour l'extraordinaire propension de tout système complexe à
générer, y compris contre notre volonté, des finalités émergentes intrinsèques.
Paradoxalement le matérialisme
est aussi une forme d'idéalisme car il "réduit" le réel à
"l'idée" que nous pouvons en avoir à partir d'une analyse que la
science connaît, par définition pourtant, comme partielle, limitée et relative.
Le vingtième siècle nous aura
montré comment le matérialisme sous sa forme dogmatique débouche de la même
manière que l'idéalisme et pour les mêmes raisons sur des "délires
collectifs".
Luc Ferry a le mérite dans son
livre " Qu'est-ce qu'une vie réussie?"[7]
de bien montrer comment l'évolution de la pensée philosophique orientale,
grecque, judéo-chrétienne et moderne converge, , vers ce ré-enchantement du
monde à travers ce qu'il appelle une "spiritualité laïque" et une
"conscience élargie". Il montre de manière magistrale comment
"la singularité de chacun", "l'intensité de l'instant" et
"l'amour de l'autre" sont les moments essentiels de cette vision
humaniste qui réconcilie les contraires. Dans ce domaine, il sera aussi
intéressant de lire l'œuvre visionnaire de Gilles Deleuze et notamment le livre
: Logique du sens[8].
Comment peu à peu au cours des derniers siècles, la création est-elle
devenue un enjeu central ?
Dans les sociétés
traditionnelles, la nouveauté n'est pas valorisée comme dans nos sociétés
industrielles modernes. Dans la société traditionnelle, l'art comme la science
sont liés à la religion, et les trois sont confondus dans un corpus de
connaissances normatives.
Il faut attendre le XVIIe siècle,
le XVIIIe siècle, l'âge des Lumières, la révolution industrielle pour que plus
particulièrement en Occident l'art s'autonomise du religieux et rompt son lien
à la pensée en tant que "tradition". Cette autonomisation de la
science et de l'art est caractéristique de nos sociétés dites
"modernes".
L'art en volant de ses propres ailes
commença par remettre en cause les thématiques sacrées qui l'occupait
jusqu'alors. Il s'intéresse au profane alors qu'il n'avait dépeint pendant des
millénaires que des sujets sacrés.
L'art, devenu libre, explore les
émotions et invente des expressions romantiques pour tenter de représenter les
différents élans de l'âme. Il développe une créativité croissante à travers la
diversité des sujets traités et la sophistication de l'expression.
Curieusement la société
industrielle, empreinte de rationalité, suscite, par contraste, une
revendication croissante des artistes à exprimer les élans de leur cœur.
L'époque industrielle est traversée par la tension paradoxale entre rationalité
de la pensée scientifique et le romantisme de l'art. L'art, après avoir libéré
sa thématique, remet en cause de manière de plus en plus créative les modalités
même de son expression à travers le pointillisme, le cubisme, l'abstraction et
finalement l'art conceptuel.
L'art du XXe siècle est un des
plus complexes de l'histoire de l'humanité. Les avant-gardes sur l'ensemble de
la planète se lancent dans une course à l'innovation et à la création en
remettant en cause tous les a priori qui présidaient à l'art académique du XIXe
siècle. C'est au XXe siècle dans les sociétés modernes que la création devient
une valeur en soi dans le domaine de l'art. Être créatif devient vital pour un
artiste s’il veut exister. Il ne s'agit plus comme autrefois de bien maîtriser
son métier et d'interpréter académiquement un sujet, il faut être capable
d'inventer une expression novatrice. La vie d'artiste avec son excentricité, sa
liberté et sa créativité fait contraste avec les habitudes
"bourgeoises" qui dominent la société de cette époque. À cette
époque, Si la création est devenue une valeur, elle se cantonne principalement
au milieu de l'art et concerne une population restreinte et élitiste : il y a,
d'un côté, le monde sérieux du travail et de l'entreprise en général et,
d'autre part, le petit milieu excentrique et créatif de l'art qui vit en marge
de la société.
Cette manière de séparer les
choses commence à changer à partir des années 60 et 70. La génération du
"baby boom" arrive à l'âge adulte avec un niveau d'éducation élevé et
remet en cause cette séparation entre la création et la vie quotidienne. Cette
génération revendique la liberté créative d'échapper au caractère normatif de
la vie traditionnelle en société. L'entreprise qui depuis ses origines a été
l'espace d'une "critique sociale" connaît alors une "critique
artiste"[9].
Cette nouvelle "critique artiste" accuse l'entreprise d'avoir
instrumentalisé l'homme en tuant toute forme de créativité dans le travail.
Parallèlement, l'efficacité même de la production sature les marchés. Le
passage d'une économie de la demande à une économie de l'offre introduit
l'innovation comme un facteur clé de compétitivité.
Dans les années 70, le désir
d'une vie plus créative qu'exprime la génération de 68 est mis au service de la
création de valeur des entreprises. Les entreprises ont besoin d'idées afin de
se diversifier dans le contexte d'une concurrence accrue. Ce mouvement
s'amplifie, la nouveauté qui était à l'origine un "plus" devient une
condition nécessaire pour exister.
Ce qui fait la valeur, ce n'est
plus la capacité de production. Il est malheureusement classique aujourd'hui de
produire en masse des produits et de ne trouver aucun débouché. Ce qui permet
d'écouler et de vendre avec profit un produit, c'est la " nouveauté"
le caractère créatif et innovant du produit.
Les facteurs clés de valorisation "l'industrie et le
commerce" sont remplacés par la "création et la communication".
Ce nouvel état de l'économie
modifie le rapport qu'entretient le dirigeant à l'outil de production et au
capital mobilisé par l'outil de production. Ce couple, le capital et l'outil de
production, qui est au cœur du processus de création de valeur de la société
industrielle est marginalisé. Ce qui devient essentiel, c'est l'accès à
l'information et la capacité à créer une information nouvelle innovante. C'est
dans ce contexte que l'on peut parler du passage de la "société
industrielle" à la "société de l'information" et considérer que
dans la "société de l'information" les facteurs clés de valorisation
"l'industrie et le commerce" sont remplacés par la "création et
la communication"[10].
La perte de valeur des biens
devenus des ensembles virtuellement infinis, hystérisent intensément
l’exploitation de l’homme par l’homme. Il faut aller toujours plus vite, être
toujours plus efficace, plus rusé, plus conquérant. Et pourtant chacun semble
de moins en moins avoir prise sur une économie qui se dérobe dans une
concurrence imprédictible et toujours plus intense. [11]
Il s’agit de faire des bonds
toujours plus grands sur une peau de chagrin de plus en plus réduite.
Il n’y a plus de référents, en
fait c’est toute la forme de valeur qui a été siphonnée. La course à la
création de valeur est d’autant plus intense que la valeur des produits est
sans cesse vidée de sa substance par une déflation rampante - l’économie du virtuel
ronge l’économie du réel, les atomes sont remplacés par des bits reproductibles
à l’infini. Plus on instrumentalise plus, quelque part, on détruit de la valeur
car l’instrumentalisation n’a plus cours quand la démultiplication à l’infini a
une valeur qui tend vers zéro.
Y a-t-il encore des valeurs ?
Quand tout est même, quand tout devient interchangeable, dans une économie de
«zéro» et de «un» qui explose à l’infini, la seule valeur qui subsiste reste
celle de l’altérité. Comme dans un coup
de théâtre, les valeurs s’inversent. Ce
qui était honni et n’avait aucune valeur devient l’essence de la valeur. Ce que
chacun adorait comme la valeur suprême perd tout à coup sens.
L’homme instrumentalisé, le clone
si efficace au cerveau robotisé, devient un clown. Dans un monde de robots, la
seule valeur radicale qui subsiste est la poésie. Être authentique, être
unique, être génial, trouver en soi son propre référent et sa propre loi, comme
le fait tout créateur au cœur de sa création, voilà la seule valeur qui
subsiste à la fin. Quand le réel se délite, la mode n’est plus à la mode, seule
l’éternité s’impose.
Comme dans les dessins d’Escher,
la main qui tient le crayon est aussi celle qui dessine la main. Si aujourd’hui
la création est devenue importante, vita-le, « capitale », elle est finalement
peu enseignée et souvent mal comprise. Qu’est-ce que la création ? Pourquoi le
concept est-il difficile à comprendre derrière son évidence ? Définir un terme
implique de faire appel à un système de référence. C’est en stabilisant un
système de référence qu’un terme peut s’inscrire en tant que savoir académique
et devenir enseignable. Or, l’acte de création est par essence rupture : il
existe parce qu’il rompt avec les systèmes de référence préétablis. Être créatif,
c’est d’une certaine manière détruire les références existantes, c’est changer
de paradigme comme Kuhn l’a très bien
expliqué.
Une création n’est pas un nouvel objet que l’on regarde. Une création
est une nouvelle manière de regarder le monde.
C’est en cela que la création
rompt l’ennui et renouvelle le désir. Vouloir enfermer la création et le
processus de singularisation dans un savoir est certainement contre-productif ;
on peut néanmoins tirer un enseignement de ces paradoxes. Changer de lunettes,
de manière de voir, de système de représentation est toujours favorable à la
création. Le DRH doit être convaincu de cela pour pouvoir libérer et faire
émerger des environnements favorisant l’invention, l’innovation et la création.
Le rôle particulier des ressources humaines dans l’entreprise élargie.
Après l'emphase sur la production
dans les années cinquante, le marketing dans les années soixante dix, la
finance dans les années quatre-vingts dix, ne sommes nous pas rentrés dans
l'ère des ressources humaines avec le changement de millénaire ?
Le département des ressources
humaines est au cœur des enjeux de l'entreprise élargie !
Le directeur des ressources humaines
peu trouver dans l'entreprise élargie, l'occasion d'un véritable renouvellement
de sa fonction et voir son influence considérablement accrue. L'entreprise
élargie est une entreprise qui se réinvente d'instant en instant par la
participation collective et créative de toutes ses parties prenantes.
La globalisation de l’économie a
intensifié simultanément les deux logiques :
·
Se comparer et copier les pratiques des
meilleurs pour rester dans la course. On attend du DRH qu’il soit le garant du
professionnalisme au sein de l’entreprise.
·
Se différencier et remettre en cause les règles
du jeu afin d’échapper à la concurrence. Le DRH est inviter à valoriser les
pépites que sont les singularités de l'entreprise mais aussi le génie singulier
de chaque collaborateur !
·
De manière générale, le DRH et
l’équipe de direction auront avantage à naviguer dans les deux logiques avec
aisance. La bonne connaissance des meilleures pratiques à l’échelle mondiale
sera vitale, mais le développement personnel des managers sera nécessaire aussi
afin qu’ils puissent être des inspirateurs de singularité. L’équilibre entre
mimétisme et singularité dépendra du projet de l’entreprise et de la vision que
le DRH et son équipe auront construits. L’équilibre optimal variera en fonction
des industries, des secteurs, des pays et des cultures concernés. En amont de
tout déploiement stratégique, il est fondamental de réfléchir à la part de
singularité que l’on veut donner à son entreprise. Les choix mimétiques auront
avantage à être complètement assumés pour faciliter leur application de manière
pleinement mécanique. Inversement, les espaces laissés à la singularité auront
avantage à être pensés, explicités et protégés si l’on ne veut pas les voir
détruits par les habitudes et la multiplication des mécanismes transversaux.
L’appel à la créativité interne
n’est possible que si le corps social de l’entreprise partage une vision et des
valeurs fortes et n’est pas complètement instrumentalisé dans le quotidien. Ce
qui est vrai pour le corps social est a fortiori vrai pour l’équipe de
direction. Le DRH et son équipe auront intérêt à « s’imposer » des moments de
ressourcement pour relever la tête du guidon, se cultiver, réfléchir au
contexte et au sens de leur action, et bien équilibrer mimétisme et singularité
dans leur management.
Dans ce cadre, le rôle du DRH est
de créer de la cohérence à partir de la diversité et plus largement
d’orchestrer la valorisation des talents de l’organisation. Dans un contexte de
création les individus ont besoins d’être reconnus dans leur singularité et
leur altérité. Le DRH crée de la valeur à partir des talents implicites ou
explicites, son rôle est de révéler le génie de chacun en synergie avec tous.
A la recherche du génie……..[12]
L'ego, la personnalité et
le génie, sont une manière de décrire l'intégration successive que peut
connaître un être humain dans la découverte de lui-même à travers le processus
de création.
L'Ego est la partie de
nous qui est enfermée dans le niveau formel de notre personnalité. Dans un
premier temps, nous découvrons notre ego, c'est-à-dire notre corps, notre
capacité à nous souvenir, notre capacité à réfléchir et petit à petit,
l'ego s'agrège au point de nous enfermer dans sa logique. On peut être très intelligent,
avoir une culture immense, et être enfermé, comme dans une prison dans notre
ego. Le mental n'arrête pas de réfléchir, de calculer et plus il le fait, plus
l'ego se gonfle de son savoir. Mais tout ce savoir accumulé, bien qu'il ait une
valeur en soi, ne nous apporte que peu face au jaillissement de la vie, face au
changement. Une personne enfermée dans son ego même si elle est très savante et
intelligente est toujours un peu ennuyeuse, car n'ayant pas encore su créer son
style propre, elle ne déclenche pas d'émotions.
C'est pour cela qu'au-delà
de l'ego, le problème de tout être humain est de trouver sa personnalité. La
personnalité est, au-delà du savoir accumulé, la capacité à créer son style, de
manière originale. La notion de style
peut paraître superficielle, cependant ce qui différencie un "Mozart"
d'un autre musicien, c'est justement cette capacité à créer un style musical
nouveau. Développer sa personnalité n'est pas de l'ordre de la science, ni du
savoir, cela est de l'ordre de l'art, de la sensibilité. Si l'ego est la
dimension formelle de l'être humain, la personnalité est de l'ordre du
turbulent. On devient une personnalité lorsque quel que soit son domaine
d'activités, au-delà du savoir, on sait développer un style qui nous est propre.
On devient une personnalité lorsqu'on sait faire de chacun des actes de sa vie
courante, une création artistique. Le travail sur la personnalité implique que
l'individu sache explorer son inconscient et enrichir sa vie formelle par toute
la richesse turbulente de son inconscient. Le style s'affirme dans la mesure où
l'ego s'ouvre à l'inconscient et accepte d'en témoigner. La personnalité se
développe à mesure que l'individu développe son contact avec la sensibilité,
les émotions, les rêves, les désirs.
Le troisième niveau, le
génie, est une intégration encore plus profonde que l'on peut situer au-delà
même de la personnalité. Si la personnalité est de la dimension de l'art, le
génie fait référence à l'expérience de la dimension spirituelle de l'Homme, cette
dimension est transpersonnelle. Le psychologue Carl Jung a montré comment, à
partir d'un certain degré d'intégration de la personnalité et de l'inconscient
individuel, l'être humain peut accéder à une conscience qui dépasse les limites
de la personne, il a nommé cela "l'inconscient collectif".
L'inconscient collectif est transpersonnel, car l'individu y découvre des
archétypes, des structures fondamentales, qui sont l'essence même d'où émergent
les différents types de consciences de la réalité. À travers l'inspiration et
l'expérience spirituelles de la découverte de l'inconscient collectif,
l'individu accède à un au-delà de la matière, un au-delà de l'énergie, un
au-delà de l'espace et du temps, qui lui donnent l'intuition des processus qui
président à la création. La personnalité, quand elle accède à
"l'inconscient collectif", se ressource au cœur de la matrice
universelle des grands archétypes structuraux et peut s'affirmer dans toute sa
singularité, son génie. Quand la personnalité est en contact avec son génie, le
style est magnifié, il est enrichi d'une profondeur de sens qui est
caractéristique de la "sagesse".
On retrouve dans les
écrits de la plupart des personnalités en contact avec leur génie, des
témoignages de rencontres avec la dimension d'inspiration; ces témoignages sont
caractérisés par leur dimension spirituelle : Descartes, Einstein, Van Gogh,
Spinoza, Platon... la liste est grande.
Il n'y a pas, à ma
connaissance, de personnalité, qui ait marqué l'humanité de manière
fondamentale, qui n'ait laissé des témoignages de l'expérience du contact avec
cette dimension d'inspiration spirituelle.
L'analyse de ces textes
montre qu'au-delà des caractéristiques liées à la culture et à l'époque, on y
retrouve des traits communs.
Ainsi, même si le voyage
de l'individu à travers son ego, sa personnalité et son génie est une
expérience par définition subjective et intime à chacun, elle est rendue de
plus en plus étudiable objectivement à mesure que nous accumulons des
témoignages sur ce processus.
Tout être humain peut
accéder au génie ; ce qui nous en empêche est surtout lié à aux systèmes
de croyances culturelles qui nous enferment dans notre égotisme.
Jusqu'à ce jour, la plus
grande partie de l'humanité était engagée dans des tâches laissant peu de place
à la valorisation du génie. Il faut, comme aujourd'hui, que les besoins de
l'Homme en nourriture et technologies soient assouvis pour une masse croissante
d'individus, pour qu'un nombre grandissant d'individus puissent se consacrer à
la découverte de leur personnalité et de leur génie.
L'art est l'espace
d'expression et de sublimation de nos contradictions entre l'intuition inspirée
du spirituel et la réalité pragmatique de la science. Le monde est un grand jeu
de la conscience qui nous propose constamment de nouvelles épreuves pour nous
faire grandir à la fois dans notre présence au monde et dans notre
distanciation.
Notre présence augmente
notre capacité à être auteur de la réalité, notre distance nous permet de
goûter la réalité avec un amour inconditionnel.
La maîtrise de
l'information est un facteur fondamental de réussite que ce soit pour les
individus, les entreprises ou les Etats. Il existe actuellement une pléthore
d'informations. Le problème n'est plus tellement d'avoir l'information, mais
plutôt de savoir naviguer à l'intérieur tel un bateau au milieu de l'océan.
L'accumulation même du
savoir nous lance un nouveau défi, il nous faut un nouveau savoir, le
"savoir évoluer dans le savoir". Et ce "savoir évoluer dans le
savoir" pose un problème habituellement évacué dans les systèmes de
connaissances classiques, le problème du cadre de référence, c'est-à-dire
comprendre sur quel système de valeurs, à partir de quels critères je considère
qu'une information est importante pour moi.
Dans le cadre classique de
la diffusion du savoir de l'âge industriel et commercial, le problème était
résolu par la spécialisation. Dans le cadre de l'âge de la
Création-Communication où l'individu cesse d'être un spécialiste pour se
déployer dans son génie spécifique, toute acquisition de connaissances passe
par un examen de conscience approfondi de la direction dans laquelle chacun
veut se diriger.
Ainsi, contrairement à
l'âge industriel où apprendre suit un processus en quelque sorte mécanique
d'accumulation de savoir, l’âge Création-Communication au contraire, développe
une nouvelle approche de la connaissance qui part d'une question
essentiellement philosophique et spirituelle :
Que suis-je venu faire sur
la terre ?
Que puis-je apporter de
meilleur à la planète ?
Comment
développer les émergences créatives
Observation,
expérience et recherche avec des entreprises d'avant-garde permettent de
dégager quelques grands facteurs à cultiver pour favoriser les émergences
créatives :
Multiplicité : La richesse des connexions d'un réseau
est multipliée par la puissance carrée du nombre des agents de connections.
Connectivité : Il faut que les agents soient très
interconnectés pour faciliter les échanges.
Densité : Une faible distance entre les agents est
nécessaire.
Diversité : C'est l'altérité de chaque agent, sa
différence, qui enrichit la qualité de l'information qui passe dans le réseau.
Intensité : La passion dans l'échange et dans
l'élaboration de sens nouveaux multiplie les interactions fructueuses.
Liberté : Les agents doivent se sentir libres
d'exprimer leur différence.
Jeu : Il a été
démontré que les processus d'apprentissage et d'échange informationnel sont
facilités quand ils prennent la forme de jeux.
Détachement : Pour
accepter de perdre ses anciens points de repère et accepter les remises en
causes.
Humour : Afin de rire de la fracture des systèmes de représentation
apposés les uns sur les autres dans les processus de création.
Distanciation : La seule manière de vivre sereinement
les "tempêtes de l'esprit" par les "brainstormings"
créatifs.
Subsidiarité : Les problèmes doivent être solutionnés
par ceux qui sont concernés. Bien délimiter les zones rouge et bleue[13]
de chacun à son niveau.
Systémique : Une bonne connaissance des théories
systémiques permet une meilleure compréhension de la complexité et du phénomène
d'émergence.
Intégrité : La navigation dans les flux
tourbillonnants de l'information implique une très grande sécurité ontologique
qui ne s'acquiert que par un long travail psychologique sur soi d'intégration
et de développement personnel.
Vérité : Ne pas falsifier la bonne information,
mais aussi, ce qui plus exigeant, savoir exprimer avec acuité, pertinence et
assertivité la vérité de sa différence.
1.
Je pratiquerai ma profession dans le respect d'une
éthique
des Droits de l'Homme et de la responsabilité du
patrimoine
naturel de l'Humanité.
2.
J'assumerai, dans tous les actes de ma vie profession-
nelle,
ma responsabilité vis-à-vis de mon institution, de
la
société et des générations futures.
3.
Je veillerai à promouvoir le respect des rapports équi-
tables
entre tous les hommes et à soutenir le développe-
ment
des pays économiquement défavorisés.
4.
Je veillerai à expliquer mes choix et mes décisions
dans
la plus grande transparence possible à l'égard des
décideurs
et des citoyens.
5.
Je serai attentif à favoriser, dans l'exercice de mes
fonctions,
les formes de management qui permettront
une
large coopération de tous les acteurs, afin de don-
ner
du sens au travail de chacun et à l’innovation.
6.
Je m'engage à porter la plus grande attention à
l'expression
de l'esprit critique et au respect de la déon-
tologie
dans l'usage des moyens d'information et de
communication.
7.
Je serai attentif à compléter de manière continue mes
compétences
professionnelles dans tous les domaines
des
sciences technologiques, économiques, humaines et
sociales
requises par l'exercice de mes fonctions.
[1] Le management
du troisième millénaire aux éditions Guy Trédaniel
en 1991, 1999 et 2005
[2] Le management
du troisième millénaire aux éditions Guy Trédaniel
en 1991, 1999 et 2005
[3] Le management du troisième
millénaire Pascal Baudry Hervé Juvin : Entreprise créer du sens
[4] Trouver son génie aux éditions Guy Trédaniel 2005
[5] Simon Free, Les stratégies de la transformation dans L'art de la stratégie, Village Mondial,
2000.
[6] Néologisme créer par
Rimbaud et popularisé dans la langue française usuel au court de l'année 2000
par le président de la république Jacque Chirac en réponse à une question d'un journaliste. ABRACADABRANTESQUE,
adj. Néol. d'aut[eur]. Qui ressemble à ce qui est abracadabrant : Ô flots abracadabrantesques. Prenez mon
cœur, qu'il soit lavé! Ithyphalliques et pioupiesques. Leurs quolibets l'ont
dépravé! Arthur Rimbaud, Poésies, « Le Cœur volé »,
1871, p. 100.
[7] Luc Ferry, Qu'est-ce qu'une vie réussie ?,Edition
Grasset, 2002
[8] Gilles Deleuze, Logique du sens, Les éditions de minuit,
1969
[9] Luc Boltanski, Eve
Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme, Gallimard, 1999.
[10] Le dirigeant du troisième millénaire aux éditions de l’organisation
2006
[11] Les Horizons
du Futur
aux éditions Guy Trédaniel en 2001
[12] Trouver son
génie aux
éditions Guy Trédaniel 2005
[13] La Revue de Kea&Partners numéro 5
"Les conditions de la mise en mouvement des hommes" - Jacques Jochem
- Janvier 2005
[14] Manifeste pour la technologie au service de l’homme, Institut
National Polytechnique de Grenoble, 2000.
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