Les « Gafanomics », qu’est-ce que c’est ?
Le Monde.fr | • Mis à jour le |Par Audrey Fournier
Chaque trimestre voit son lot de résultats d’entreprise. Parmi eux, des stars qui cumulent hausse du chiffre d’affaires, des clients, des parts de marché, jusqu’à devenir des entités que la presse ne sait plus nommer autrement que « mastodonte » ou « géant » du Net.
Google, Amazon, Facebook et Apple sont un continent à eux seuls, que les observateurs ont fini par désigner d’un acronyme aussi terne qu’efficace : les « Gafa ». Si ces quatre superstars sont les grands gagnants de l’économie numérique, ce n’est pas un hasard, explique l’agence Fabernovel dans une étude réalisée cet automne et publiée, en accès libre, le 25 novembre : elles fonctionnent sur des principes communs qui sont, expliquent ses auteurs, réplicables et adaptables par d’autres entreprises.
Si les Gafa sont les champions de la captation de valeur, c’est parce qu’ils se sont développés en marge du modèle traditionnel, explique l’étude. Ce modèle part du principe qu’il faut investir du temps et de l’argent pour développer un produit, le mettre sur le marché puis le défendre contre la concurrence. Les Gafa ont choisi de fonctionner à l’inverse. Prenant acte du fait que les produits et les services sont tous potentiellement remplaçables, ils en ont déduit que la seule chose qui compte vraiment pour assurer leur développement est le client. La vieille blague qui consiste à dire que « si c’est gratuit, c’est que vous êtes le produit » n’est donc pas un fantasme : « toutes les décisions prises par les Gafa visent à gagner et à retenir des clients », expliquent les auteurs de l’étude.
Pour ce faire, il suffit de faire gagner aux clients du temps et de faciliter leurs actions au quotidien. Cette approche, qualifiée parfois, généralement de façon péjorative, de « solutionnisme », consiste à penser que pour chaque friction de la vie de tous les jours, il existe une solution, que ce soit un service ou une application. Et surtout, que celle-ci ne coûte virtuellement rien. Comme le produit correspond à un besoin généralement simple, concret et bien identifié, son adoption est forte et rapide. Selon les calculs de Fabernovel, les Gafa occupent aujourd’hui 55 % de notre « journée numérique » (e-mail, achats en ligne, écoute de musique, etc.).
Sacrifier les revenus, gagner des parts de marché
La gratuité n’est pas un problème, en tout cas pas dans un premier temps : ce modèle économique implique généralement le sacrifice des revenus et des profits à court terme. Un sacré pied de nez à Wall Street, qui sanctionne régulièrement les faibles profits dégagés notamment par Amazon, qui réinvestit presque tout ce qu’elle gagne. Si une partie des spécialistes du secteur, invoquant le jeune âge des Gafa, estime que le pari sera payant à long terme, d’autres considèrent que cette position n’est pas tenable et qu’il faudra bien, un jour ou l’autre, que ces entreprises publient des profits solides et versent des dividendes aux investisseurs. Le conservatisme des marchés l’emportera-t-il au final ?
Si elle laisse perplexe à la fois les économistes et les utilisateurs, la gratuité (91 % des applications sur iOS, et 85 % sur Android) est considérée comme un puissant levier pour atteindre un taux de rétention important des clients, et accentuer l’impression d’une « expérience positive de marque » : si une partie du service proposé est gratuite, les consommateurs seront plus disposés à payer pour le reste. Autre avantage, la gratuité permet la multiplication des points de contact avec le consommateur, et donc la collecte de données, précieuses pour l’analyse des comportements du consommateur.
Fabernovel cite en exemple la liseuse fabriquée et vendue par Amazon, le Kindle. L’objet en lui-même est vendu à perte, mais les calculs montrent qu’il devient rentable au bout de cinq mois d’utilisation en moyenne : Amazon est perdant sur le contenant, mais - largement - gagnant sur les contenus. Les « Gafanomics » montrent que la valeur d’un objet n’est pas intrinsèque, elle change avec le temps et les usages.
De plus, ces entreprises n’ont pas vocation à rester sur une seule activité. Avec iTunes et Apple Pay, Apple avance ses pions dans le paiement en ligne, Amazon développe une vaste offre cloud pour les entreprises et Facebook s’est lancé, avec l’achat d’Oculus Rift, dans la réalité virtuelle. Et certaines de ces nouvelles activités - notamment le cloud pour Amazon - sont nettement plus rentables que les anciennes. Le mouvement est porté par des investissements élevés (80 % du cash d’Amazon est réinjecté) et par des acquisitions régulières (les Gafa ont été impliqués dans un tiers des fusions-acquisitions dans le numérique entre 2012 et 2014).
Mieux encore, les Gafa n’hésitent pas à investir dans d’autres entreprises du milieu : Google a des parts dans Uber, Amazon dans Airbnb… Façon d’afficher qu’elles n’ont pas peur les unes des autres, et ce même si la logique du « winner takes all » (le gagnant remporte tout) ne s’est jamais autant vérifiée.
- Audrey Fournier
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/11/30/les-gafanomics-qu-est-ce-que-c-est_4531698_3234.html#PJgZG7SUDlGu0IHk.99
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10 RAISONS POUR L’EUROPE D’AVOIR PEUR DES GAFA (GOOGLE, APPLE, FACEBOOK, AMAZON) !
A eux seuls, ces quatre géants contrôlent tout un pan de notre vie, des fibres qui traversent les océans aux publicités installées sur nos murs Facebook. Gafanomics, le cabinet FaberNovel estime que 55 % de la vie numérique est passée sur ces quatre plates-formes. Sont-ils réellement si puissants ? A en croire l’analyse des experts, il y a matière à réfléchir.
En effet, les GAFA génèrent l’équivalent du PIB du Danemark, la 35ème puissance économique dans le monde. Google, Apple, Facebook et Amazon totalisent 316 milliards de dollars de chiffre d’affaires et emploient en tout et pour tout 252 000 personnes. En comparaison, le Danemark et ses 2,7 millions d’habitants n’atteignent qu’un PIB de 330 milliards…
Côté croissance, ils n’ont pas non plus à rougir. Ils affichent une croissance 33 % plus élevée que celle de la Chine. En 2013, la croissance moyenne des Gafa était de 12 %. Contre 9 % pour la Chine… et 0,3 % pour la France (mais ne soyons pas mauvais).
Les 4 acteurs américains totalisent plus 123 milliards de dollars de réserves financières. Pour vous donner un ordre d’idée, tant de liquidités leur permettrait de racheter les 50 startups les plus prometteuses du classement de Wall Street.
Ces compères n’ont pas non plus à rougir de leur valorisation boursière, grâce à eux, le secteur des technologies pèse à hauteur de 19 % dans l’indice S&P 500. Il y a dix ans, la tech ne représentait que 11 % et plus amusant, les stars s’appelaient… IBM et Microsoft.
Ils dominent le monde d’une façon insolente, c’est pour cela que les autorités régulant la concurrence ne les lâchent pas d’une semelle. Google contrôle 90 % de la recherche dans le monde. Apple 45 % du trafic web issu des smartphones. Facebook 75 % des pages vues sur les réseaux sociaux aux Etats-Unis.
A eux seuls, ils contrôlent les 7 industries clefs de la transformation numérique : les télécoms et l’IT, la santé, la distribution, les énergies, les média et le divertissement, la finance ainsi que le voyage et les loisirs. Ils ont littéralement notre avenir en main comme en témoigne ce tableau de FaberNovel.
Puissants, mais aussi mauvais joueurs ! Greenwich estime que grâce à des techniques d’optimisation fiscale, ces 5 acteurs payent en moyenne 22 fois moins d’impôts que ce qu’ils devraient normalement débourser. Pendant que nos seuls chèques sont pour le trésor public, cela représente un manque à gagner de 800 millions d’euros par an pour la France. Merci qui ?
Les GAFA ont les dents longues et les moyens de percer outrageusement. En 2008, Internet Explorer totalisait 60 % de parts de marché et seulement 4 ans plus tard, Chrome lui passait sous le nez ! Déjà en 2010, Apple vendait 3 millions d’iPad en 80 jours, ce n’est pas Microsoft qui a pu s’en vanter. De la même façon, en 10 ans, Facebook s’est offert 16 % du temps passé sur Internet.
Ils n’ont pas fini de dominer le monde, car pour eux, les frontières n’existent tout simplement pas, chaque humain connecté est un client potentiel. C’est pour cela qu’ils investissent pour connecter toutes les régions du monde, comme le projet Loon de Google.
Si certains ne font que peu de profits sur le papier, ce n’est pas sans raison, ils investissent lourdement. Nest, Oculus, Beats, WhatsApp ou Instagram… Toutes les startups prometteuses les intéressent. Entre janvier 2012 et octobre 2014, les GAFA ont dépensé près de 45 milliards de dollars pour faire leurs emplettes, c’est à dire un tiers de l’activité totale des Etats-Unis.
L’Europe a-t-elle raison de paniquer ? Sans doute !
En savoir plus sur http://www.gizmodo.fr/2014/12/05/raisons-europe-peur-gafa.html#bKRRFkCd78xSR2Aw.99
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