Dictatures militaires, soulèvements populaires ou réformes gouvernementales sont autant de sujets qui ne manquent pas d’enflammer l’intérêt du public. Des événements transmis et analysés par les médias et leurs journalistes, qu’ils soient spécialisés ou généralistes. Rassemblés les 10 et 11 juin derniers au centre Vaugirard de l’Université Paris 2 Assas, chercheurs et artistes ont évoqué comment plasticiens, photographes et vidéastes prolongent à leur manière l’écriture de cette actualité. Autour des universitaires Frédéric Lambert et Katharina Niemeyer, organisateurs du colloque, ils ont interrogé les relations et les frontières, parfois poreuses, entre les mondes de l’information, de la communication, des industries culturelles et de l’art. Parmi les artistes présents, nous retrouvons des pionniers du traitement de l’information dans l’art, tels que Fred Forest, ainsi que de jeunes créateurs dont la démarche y consacre une large place, à l’image d’Emeric Lhuisset.

Pour l’ouverture du colloque, les premiers à prendre la parole sont des universitaires. Daniel Bougnoux, professeur émérite des sciences de la communication, commence par exposer l’intime relation qu’entretiennent l’art et la presse en évoquant la quantité de réel que les deux domaines ont en partage. Un réel dont l’ampleur et la complexité demeurent impossibles à symboliser, ce qui offre une légitimité à la notion de représentation, en crise dans l’art comme en démocratie. L’universitaire conclut son intervention en précisant que la création artistique et le traitement journalistique sont deux producteurs de sens, deux vecteurs de signification mais aussi de sensation. Deux concepts qui ne prennent pas toujours ni le même chemin, ni la même direction. Il rappelle ainsi le danger qui guette les médias et les artistes quand ils se contentent de stimuler l’émotion et la pulsion, une pratique pour le moins dans l’ère du temps. Le totalitarisme ou le tout-marché se souciant fort peu d’une rupture avec la représentation et son corollaire, le temps long nécessaire à toute mentalisation, celui du média, opposé à l’immédiat. Une question qui concerne particulièrement la place de la photographie dans l’art et dans le journalisme : deux univers qu’elle a profondément bouleversés. Depuis l’expansion de son utilisation, le medium photographique a rapproché le regard du public et le réel dont il devient une sorte d’attestation.
Une pertinente introduction pour appréhender l’irruption dans la jungle urbaine des photographies du collectif #Dysturb dont Maxime Fabre, doctorant au Celsa, parle comme « d’une performance artistique, à la croisée de l’information et du débat public à propos des industries médiatiques. » En quittant les colonnes de la presse papier ou web, en investissant la rue, le photographe abandonne son statut de photojournaliste pour celui d’artiste engagé. Une démarche qui n’est pas sans rappeler le passage de certains créateurs du musée à la rue. Pour #Dysturb, la rue n’est plus une fin en soi, elle devient un phénomène de transmission et de médiation. En introduisant le hashtag dans le nom de la communauté, ses fondateurs annoncent la couleur. La rue devient un moyen efficace pour interpeler à Paris, New York ou Sarajevo, mais c’est surtout la meilleure voie pour renvoyer au média ultime : Internet. Dans une sorte de mise en abîme, les photographies collées au mur sont immortalisées et directement partagées grâce aux « industries médiatisantes que sont Twitter et Instagram ». Une pratique qui offre au collectif une dimension internationale et transmédia.

 Page d’accueil du site@Internet du projet #Dysturb web_dysturb.jpg Pluridisciplinaire Colloque à Paris 2

Crédits photos : Théâtre de guerre (série) © Emeric Lhuisset - © Dysturb