Entretien de Michel Saloff par Céline Montay, Minka Conseil
La première chose que j’observe
ici dans la Silicon Valley (SV) c’est le concept de la digitalisation du monde.
1] :
Alors qu’est-ce que la digitalisation du monde ?
Il y a un grand avantage à
digitaliser, parce qu’une fois que c’est fait. On échappe aux contraintes des
atomes. Çà permet de faire des tas d’expériences à coûts zéro.
Céline (C) : Quand vous dites, échapper aux contraintes des
atomes, cela veut dire, que l’on échappe aux contraintes du monde
concret ?
Oui, tout à fait. Quand on rentre
dans le monde virtuel, on rentre dans le monde des atomes et on échappe aux
contraintes du réel. Par contre, on peut quasi instantanément faire toutes les
expériences que l’on souhaite indépendamment du temps et de l’espace.
Par exemple, on veut faire une
expérience sur un avion. Si on le digitalise, on peut par exemple, lui faire
subir un vent de 10 000km /h, et on va savoir quelles sont les
contraintes que cela a sur lui. On va le savoir instantanément sans dépenser
des sommes folles.
C : Cela sous-entend également, que vous ayez accès à une base de
données très importante et conséquente, pour pouvoir analyser ce phénomène ?
Oui, à chaque fois, digitaliser a
un coût, surtout celle à l’initial. Elle implique des moyens de calcul
considérables. C’est ce qui la rendait si rare, jusqu’à maintenant. Ce qu’on
observe et qui va arriver dans les 10 ans qui viennent, c’est que nous serons
bientôt capables de tout digitaliser, grâce à des calculs de plus en plus
complexes intégrant des bases de données considérables
C : C’est ce qu’on voit avec ce qu’on apelle le Big Data. L’amalgame
et le rachat de plusieurs milliers de bases de données, qui sont créees,
rachetées, renvoyées.
Tout à fait. Le Big Data est la
conséquence de la digitalisation. C’est aussi le génome humain que l’on est
capable de digitaliser. Ce qui change tout car on va pouvoir petit à petit
digitaliser l’ensemble de l’histoire génétique de l’humanité. Au fur et à mesure, chacun va pouvoir
connaître sa propre histoire génétique, savoir d’où il vient, quels sont ses
ancêtres. C’est une avancée formidable ! Les implications sont infinies.
Et sans doute on n’imagine même
pas 1% de tout ce qui va être possible plus tard car nous n’en avons pas encore
les capacités.
La digitalisation a d’autres
conséquences. Ce qui est encore plus étonnant On va pouvoir digitaliser les
métiers, les experts. Demain, on va pouvoir avoir des robots-ordinateurs
pourvus d’Intelligence Articificielle (IA) infiniment plus intelligents qu’un
avocat ou un médecin.
La fabrication aura déjà été
entièrement digitalisée, comme cela a commencé maintenant par exemple avec les
voitures. D’ici, 10 ans, tous les procédés de fabrication auront été
digitalisés.
C : Là où j’ai du mal à comprendre, et j’aimerais que vous
précisiez, c’est que vous dites que les experts seront digitalisés. J’entends
bien, mais un expert acquiert son expertise par la somme des expériences qu’il
fait, je comprends comment on peut digitaliser cela. Un expert continue
d’apprendre en permanence. Qu’en est-il
quand il y a une expérience nouvelle qui se présente ? La digitalisation
permettra-t-elle d’adapter le robot, qu’il s’approprie cette nouvelle
expérience ?
L’ordinateur va apprendre plus
vite que l’expert. Quitte à faire appel à l’humain qui a vécu l’expérience, à
l’expert humain, qui a mis au point la digitalisation de cette expérience. L’IA
c’est ce qu’est en train de faire IBM avec la création d’un médecin-artificiel.
Aucun médecin humain n’est capable de comprendre et d’intégrer les milliers, voire millions de molécules,
tous les médicaments, toutes les maladies.
C : Il faudra donc toujours un humain pour comprendre et prendre
la décision de toutes ces interactions ?
Non, les humains seront
complètement dépendants des ordinateurs qui assimileront les données beaucoup
plus vite et pour analyser tout cela de manière ultra rapide.
Effectivement, tout cela peut
paraitre bizarre car très éloigné de notre quotidien actuel. Çà va se faire
lentement.
Avec les échecs, les experts
d’IBM font jouer le médecin-artificiel contre les meilleurs médecins humains.
Et on se rend compte que petit à petit que l’ordinateur est vainqueur
systématiquement et devient bien meilleur que la somme de tous les
médecins-humains.
Çà prend un peu de temps. Bien
entendu, il faut éviter et enlever les erreurs grossières. Comme au début des
GPS, où ils vous demandaient de « faire demi-tour dès que possible »
alors que vous étiez sur une autoroute !
Tout cela est en train d’être
résolu et sera résolu très facilement bientôt, par la somme des expériences
connues, des capacités accrues de mémorisation des ordinateurs et des avancées
de la recherche sur l’IA.
C : On dit que les émotions sont le propre de l’homme et
prédominent son comportement. C’est cette particularité qui fait la différence
notoire entre les hommes et les robots, les animaux. Comment voyez- vous la suite
des interactions humains/robots ?
Vous touchez un point extrêmement
important. Il y a deux points que les robots ne peuvent faire semblant d’avoir,
ce sont les émotions et l’inspiration.
A) L’émotion, une caractéristique humaine
intrinsèque :
Les robots sont incapables de
ressentir des émotions, ils peuvent faire semblant d’en avoir, exprimer toutes
les caractéristiques physiques et verbaliser les émotions qu’ils sont censés
avoir mais en aucun cas, ils ne peuvent les ressentir. Ils peuvent être
programmés pour les exprimer. Çà sera très troublant car un robot pourra vous
faire pleurer, rire ou rire avec vous, tout en étant lui-même complètement
extérieur à tout cela. C’est assez étrange.
Les émotions sont très
importantes dans les interactions entre les personnes, c’est ce qui fait
l’intérêt d’une relation, de la communication. Elles apportent du contenu.
Elles peuvent même expliquer certains comportements, dictés par les émotions
L’autre chose qu’il ne peut
avoir, mais peut faire semblant d’avoir : c’est l’inspiration.
C : Les émotions, l’intuition, beaucoup de chefs d’entreprise
disent fonctionner, s’appuyer sur ces compétences de manière très poussée.
Çà va être assez étrange à gérer
de ce côté-là. La capacité à ressentir des émotions et avoir de l’intuition resteront
des caractéristiques humaines mais les robots pourront « donner
l’impression » de les avoir aussi, uniquement donner l’impression, ne pas
les « avoir, ou les ressentir intrinsèquement ».
Si vous mettez aujourd’hui un
ordinateur contre un être humain, aux échecs, c’est l’ordinateur qui gagne.
C : Il gagne parce qu’il a plus de sommes d’expérience
emmagasinées, d’informations que l’être humain.
Tout à fait. Car il a une somme
d’informations infinies, des milliers de coups, de parties d’échec en mémoire.
Par contre si on met un homme+ un
ordinateur en face un ordinateur tout seul. C’est l’homme et l’ordinateur
ensemble qui gagnent. C’est très intéressant. Comme quoi l’homme a une valeur
ajoutée quand même !
Quand vous digitalisez, vous avez
des algorithmes. Digitaliser c’est encore et toujours programmer. Même s’il
s’agit de programmes extrêmement sophistiqués.
B) L’inspiration :
l’avenir de l’homme dans un monde de digitalisation :
C : Comme vous le disiez, maintenant, on a les outils, les
machines qui permettent ces types de programmation.
L’ordinateur pourra faire
semblant d’être inspiré. Quand vous allez voir votre robot-médecin chez IBM, il
pourra faire semblant d’être inspiré avant de rendre son diagnostic, en levant
les yeux au ciel, en disant « Hum, laisser moi réfléchir » et dire
quel médicament vous devez prendre. Alors qu’en réalité, cette mise en scène ne
sera juste que le résultat d’un calcul réalisé à la vitesse de l’éclair. Il ne
sera pas inspiré mais vous donnera cette impression, ça sera le résultat froid,
logique d’une somme de calculs gigantesques mathématique.
C : Il prend toutes les probabilités par symptôme et prend la
solution la plus simple.
Tout à fait, il n’a aucune
émotion non plus si vous lui dites que vous allez mourir dans les 10mn,
l’ordinateur va calculer froidement et ne sera pas troublé, et çà lui donne une
performance que le médecin n’aura pas. Alors qu’un médecin humain lui le sera
car il aura conscience des conséquences et en sera affecté dans son diagnostic.
Il y a tout de même cette
dimension de l’art, de la poésie dans l’inspiration
On peut créer une IA qui va faire
du Mozart à l’infini, même créer des morceaux que Mozart n’aura pas créés et
qui feront comme s’il les avait écrits.
C : Oui, il fait du « comme » Mozart, par duplication et
analyse des données qu’il a sur la musique de Mozart. Il ne fait toutefois pas
quelque chose de neuf.
Ce qui est de l’inspiration pure,
c’est de créer un nouveau Mozart. Ce qui est impossible. Les ordinateurs sont
dans l’algorithme et dans le mimétisme de données autour de Mozart. Ils peuvent
jouer des heures et des heures du pseudo-Mozart ou ce qui y ressemble.
C : Ils font des variations autour de Mozart
C’est cela. L’ordinateur peut
créer des musiques comme Mozart mais pas créer Mozart. La dimension
d’inspiration ne peut être copiée et reste propre à l’Homme.
A mon avis, c’est l’ultime espace
dans lequel l’homme va pouvoir s’exprimer. Aujourd’hui, le plus important chez
l’homme est ce qu’on a le plus dévalorisé jusqu’ici, écrasé, sa
singularité : son inspiration.
C’est cette singularité qui sera
mise en avant à l’avenir. C’est-à-dire tout le contraire de ce qu’on nous
apprend aujourd’hui, ce que nous enseigne l’éducation. On essaie de vous
apprendre les maths, le français mais en aucun cas, on ne cherche à mettre en
avant votre singularité. Personne ne s’intéresse à vous, à qui vous êtes
vraiment. Il faut que tout le monde sache les mêmes choses.
L’éducation du futur sera
exactement l’inverse.
C : Apprendre à développer ses ressources propres et ses
singularités.
Etre un avocat, être ingénieur,
çà ne voudra plus rien dire. Ce sont des métiers qui seront digitalisés et que
les ordinateurs pourront beaucoup mieux faire que les humains. Par contre, être
Einstein, être Van Gogh, cela sera un trésor, une pépite, cela aura une réelle valeur.
C : Si on va un peu plus loin, on peut dire que toutes les
personnes ont un don. Si elles arrivent à le développer, cela revient à
admettre le déterminisme.
Voilà, c’est ça. C’est très
intéressant car cela est un renversement total de l’éducation. Un renversement
total de l’histoire humaine. Jusqu’à maintenant, c’était presque l’inverse si
vous étiez génial, doué, différent, vous étiez montré du doigt, on vous mettait
au pilori.
C : Oui, vous ne rentriez pas dans les cases
Demain, ce sera l’inverse. Les
gens qui n’oseront pas être eux-mêmes seront mal vus.
Les changements ont déjà
commencé. Quand on voit les grandes réussites d’entreprises et d’entrepreneurs
du 21ème , ce sont des gens qui sont déjà très très singuliers. Ils
ont réussi à dépasser beaucoup de choses et à affirmer leurs singularités
malgré un contexte qui n’est, le plus souvent, pas favorable.
C : Ils ont réussi à s’extirper d’une culture très traditionnelle,
voire de leur famille, leur éducation pour arriver à affirmer leur singularité
et s’épanouir. Il y a pas mal de dépassement de leur part !
Il y a cette
« binarité ». C’est une sorte de jeux de mots car le monde digital
est binaire. Tout ce qui pourra être basculé dans le monde digital va être
fait. Tout ce basculement aura un impact considérable y compris dans le monde
réel. Car les gens ne se rendent pas compte actuellement des conséquences.
C : Les gens penseront, c’est du virtuel, donc çà n’existe pas, ce
n’est pas réel.
Tout à fait, alors que cela aura
des conséquences gigantesques. Cette digitalisation va totalement transformer
le monde réel. Il va devenir, et c’est le plus choquant pour nous, moins
important que le monde virtuel.
Pourquoi ? Et c’est très
difficile à comprendre. Comme phénomène quasi identique et qui a déjà eu lieu,
on peut parler de la place et de l’ampleur que le monde artificiel a pris sur le
monde réel. Le monde artificiel de la ville, qui était une sorte d’abstraction,
construit par l’humain contrairement à la campagne qui symbolise le concret, le
réel, là où est produite la nourriture. La ville ne produit pas de nourriture,
elle est artificielle. On peut se dire qu’elle n’a pas de réalité propre, car elle
est créée de toute part.
Le même raisonnement peut être
fait avec le monde virtuel. Il ne sera pas composé d’atomes et on ne pourra pas
manger. Les bits informatiques ne sont pas comestibles pour les humains. Le
monde virtuel sera l’organisateur du monde réel. Comme dans la ville, où tel
investisseur, tel promoteur décide de construire tel ensemble, de planter tel
champ de blés. Si vous restez actuellement en autarcie à la campagne, vous êtes de plus en plus marginalisés.
La ville influe sur le développement de la campagne, elle devient une extension
même de la ville.
Demain, on va virtualiser les
experts, l’ensemble du monde, la fabrication des objets. Ils seront digitalisés
puis seront fabriqués dans le monde réel par des robots.
C : Oui, préalablement ils auront été testés. Les prototypes
seront testés dans le monde digital avant d’être produit par les robots qui
sont eux-mêmes faits dans le monde digital au préalable. Et ils pourront se
réguler, s’améliorer au fur et à mesure qu’ils intégreront les différentes
données et résultats produits par les essais du digital sur ces objets.
Il y aura aussi une autre
dimension qui sera très politique au sens noble du terme (L'étymologie du mot
politique vient du grec politikè qui signifie : science des affaires de
la Cité. La politique est donc l'organisation de la Cité ou de nos jours
l'État.). Demain, le futur d’une ville sera étudié, analysé, intégré au
monde virtuel. La somme de données à intégrer du monde réel sera tellement
complexe et considérable qu’on devra s’appuyer sur le monde digital.
Un mélange d’IA et d’être humain,
mais d’être humain extrêmement vertueux dans la virtualité.
C : La politique se sera donc de faire différentes propositions
d’évolution de scénarios sur un même territoire ?
Voilà, tout à fait. Donc, c’est
là que l’on se rend compte que le monde réel dépendra entièrement du digital.
Le prototypage politique comme il est hyper complexe sera dépendant de cela.
C : Les politiques devront être des personnes qui maîtriseront le
digital ou se seront des personnes qui seront inspirées pour faire évoluer la
ville et le territoire ?
Les vrais politiques au sens seront
comme les vrais médecins, ils seront informatiques.
Il y aura la dimension
inspirationnelle, l’inspiration d’aller dans telle direction, qui sera
prototypée par les IA qui diront si c’est possible ou non, si c’est
souhaitable, avec les risques et les inconvénients de chaque scénario.
C : Dans tout cela, où est la place de l’homme ? Si les
métiers sont digitalisés ? Si les robots savent se gérer seuls et
tout se fera automatiquement? Que devient l’homme ?
Il y a deux théories sur ce sujet.
La première, venant des
informaticiens le plus souvent, qui ne voient pas la dimension inspirationnelle
et émotionnelle, et sont un peu réductionnistes. Comme la théorie de Ray Kurzwell de Google
qui s’enthousiasme « on va digitaliser les êtres humains »
(source : Laurent Alexandre, Le Monde, 24/04/2014 : Google et le
transhumanisme). On va être capable de digitaliser l’intégralité d’un cerveau
humain et il continuera à évoluer à l’intérieur d’un ordinateur et il vivra
pour l’éternité. Car ils sont très impressionnés par les capacités des
ordinateurs et du monde digital.
C : Oui, ils vont à l’extrême !
Moi je ne crois pas à cette
théorie. Vous pouvez faire semblant de digitaliser une émotion mais
l’ordinateur ne pourra pas la ressentir. Il peut pleurer si on lui dit
« Tu n’es pas beau », mais il ne ressentira rien, il ne fera que
réagir à une information qui lui est donnée. Il peut apprendre par un algorithme
à réagir comme un être humain.
C : Oui, intrinsèquement, il ne le ressent pas
De même, un ordinateur peut faire
semblant d’être inspiré en regardant le ciel, en faisant semblant de réfléchir,
alors qu’en fait, il est en train de faire des calculs à toute vitesse.
Ce n’est jamais que le résultat
de l’ensemble des données auquel il a accès. Sauf qu’il a accès à des millions
de bases de données qui sont exponentielles et une capacité de traitement qui est
fulgurante. De ce côté-là, il est plus rapide et performant que l’être humain.
Mon avis est que c’est la
dimension poétique, car la poésie est puissamment au cœur de cela. L’inspiration
et les émotions qui seront les nouvelles caractéristiques humaines, qui vont se
sur-développer. C’est à dire que l’humanité
va être rabattue vers cela.
L’être humain aura le temps de
développer ses émotions, de faire de l’art, créer des choses nouvelles avec son
inspiration. Des choses nouvelles qui parlent à la partie émotionnelle de
l’homme. La dimension poétique qui a toujours été importante pour l’homme et
délaissée pour pallier aux besoins fondamentaux comme manger, gagner sa vie.
C : Oui, on est poétique quand on a le temps !
Ou quand on est très riche et
qu’on a le temps d’aller à des concours de poésie. Mais quand on pense à manger
et à gagner sa vie, on n’a pas le temps d’être poétique !
On va être dans une situation où
on peut imaginer que c’est la poésie, cette singularité humaine qui nous
permettrons de nous faire valoir. Et que ce soit la seule chose qui nous reste
à faire, d’ailleurs.
Avant le fait, d’être un grand
avocat, une bonne infirmière, un grand fabricant étaient des métiers
gratifiants. Plus tard, dans des dizaines d’années, cela ne sera plus possible.
C : Donc, si je comprends bien : tout ce qui était mis en
avant par le concret, le matériel sera remplacé par la valorisation
intellectuelle ?
Notez bien la différence que la
valorisation intellectuelle comme vous dites, ce sont très souvent des
algorithmes. Cette valorisation ne sera pas intellectuelle. On considère que la
caractéristique de l’être humain est la « poesis », c’est-à-dire la
capacité à inventer du sens émotionnel (définition :
Art
d'évoquer et de suggérer les sensations, les impressions, les émotions les plus
vives par l'union intense des sons, des rythmes, des harmonies, en particulier
par les vers). Et cette caractéristique va perdurer.
Demain, un Van Gogh ou un
Rimbaud, qui avant étaient marginalisés ; demain seront plus que jamais
reconnus « Ahhh, quelqu’un qui nous apporte du nouveau, qui nous fait
vibrer ! »
C : Donc, cela veut dire que l’on valorisera les singularités
émotionnelles ?
Au niveau formel, c’est la
singularité. Au niveau logique et qui est à la limite de la logique, il s’agit
de faire apparaître de nouvelles logiques que l’ordinateur n’aura pas encore
trouvées et analysées. Au niveau émotionnel, il s’agit de nouvelles émotions.
Sur des émotions classiques et sur les anciennes logiques, les ordinateurs
feront mieux que nous.
Les nouvelles émotions, les
nouvelles logiques d’où viennent-elles ? Tout cela vient du vide, de
l’inspiration. Cette capacité à inventer à partir de rien, c’est la dimension inspirationnelle.
Et c’est là où c’est très
philosophique, c’est qu’il s’agit de l’essence même de l’homme. Parce que par
rapport aux animaux, l’humanité possède cette capacité d’inspiration qui est sa
caractéristique, très fascinante.
C’est comme si l’homme était
libéré de sa dimension matérielle et pouvait se consacrer à sa dimension, non pas
mentale, mais de l’esprit, de l’inspiration, de la conscience au-delà de toute
attache réelle.
C : Il y a des théories, même éléments concrets qui montrent que
l’on utilise que 10% des capacités de son cerveau. Dans ce que vous dites, vous
laissez penser que l’homme va développer le reste dans les prochaines
années?
Oui, il va y avoir un hyper
développement du cerveau. Ce qui va être extraordinaire, c’est que ces même ordinateurs
et ce monde digital vont être des hyper stimulants pour les cerveaux humains.
Actuellement des processus
d’éducation quasi sur-mesure sont en cours d’étude et de réalisation. Les
ordinateurs auront modélisé l’ensemble des connaissances particulières pour
chaque élève et sauront comment spécifiquement le nourrir en fonction du stade
où il en est.
Ce qu’on voit aujourd’hui dans
l’éducation classique, soit vous êtes trop rapide, trop avancé et le cours vous
ennuie. Soit vous ne comprenez pas, vous êtes en retard et le cours vous ennuie.
Dans les deux cas, vous perdez votre temps. 90% des élèves perdent leur temps
en classe car la méthode d’éducation n’est pas adaptée.
C : Oui, d’ailleurs les
enseignants ont l’impression de remplir des cases vides. Alors qu’il s’agirait
plus de développer les compétences et les personnalités de chacun.
Et dans l’éducation classique, ce
côté normatif, 90% des personnes ne rentrant pas dans la norme, ne sont pas mis
en avant et sont même stimulés négativement pour rentrer dans un moule
soi-disant universel.
Tout cela fait que c’est très peu
productif. Alors que demain, tout va changer. Les personnes vont pouvoir
utiliser 100% de leur cerveau. Et on découvre aussi un autre phénomène, c’est
qu’un cerveau civilisé, stimulé, c’est ce qui permet l’éternelle jeunesse. La
vie des gens sera considérablement rallongée voire plus qualitative.
Pourquoi pense-ton que la vie
sera plus longue de manière étonnante d’ici un siècle? Sans nul doute déjà par
l’évolution même de la médecine, les succès médicaux mais aussi car les
cerveaux plus âgés sont plus stimulés.
C : Cela veut dire que la qualité de vie sera considérablement
améliorée ?
Il va y avoir l’utilisation de
100% de notre cerveau, qui plus il est utilisé, plus il devient plastique et
plus il maintient le corps en jeunesse (l’inverse étant vrai également).
Le reste étant le résultat de
cela ; c’est l’alliance être humain/machine qui peut aller très loin sur certains
aspects algorithmiques et de mémoire. Par exemple, je n’ai pas en mémoire tous
les livres que j’ai lus, mais mon ordinateur les a. Si je le perds, je suis
perdu !
Demain, cette mémoire sera peut-être
au bout de mon ongle et sera une extension de ma mémoire à part entière. Mon
cerveau ira directement puiser dans cet ongle ou dans une puce, dans mon
oreille ou dans un vêtement, une mémoire quasi infinie.
Il y aura une fantastique
transformation de la condition humaine, de deux manières différentes, d’une
part par l’utilisation de 90% de ses capacités cérébrales et d’autre part, par
l’amplification de ses capacités de stockage d’informations, de connaissances
par les ordinateurs eux-mêmes qui vont être de plus en plus intégrés à notre
corps.
C : Pour tout ce qui est apprentissage intellectuel, cela pourra
être relié directement au cerveau. Cependant, pour les apprentissages de
nouveaux sports ou arts martiaux, il pourra y avoir l’apprentissage
intellectuel, le concept, des démonstrations mais le corps aura besoin d’un
apprentissage particulier. Qu’en est-il de l’apprentissage du corps, de la
mémoire du corps ?
Aujourd’hui oui, sûrement. Demain,
on peut imaginer que les personnes apprendront plus vite car les robots
s’adapteront à leur évolution et à leur capacité d’apprentissage.
L’apprentissage se fera donc de manière beaucoup plus rapide. Ensuite, on parle
de programmation neuronale, c’est possible aussi.
Il y aura de plus en plus de
situations où on apprendra directement. Mais la différence entre notre cerveau
et un circuit imprimé, c’est que le circuit se reconfigure en temps réel, alors
que le cerveau doit créer de nouvelles connexions neurales, ce qui demande du
temps et nécessite de renouveler l’expérience plusieurs fois. C’est comme quand
on apprend à conduire, il faut plusieurs leçons, du temps pour que les
connexions se fassent et les automatismes apparaissent.
C : Oui, c’est exactement le sens de l’expression « on
n’oublie jamais de faire du vélo, çà revient vite ! » Les connexions
neuronales sont faites, il suffit de retrouver le sens de circulation des
informations.
C) Une dépendance ? L’énergie :
C : J’aurais encore une question à vous poser, avec un aspect très
très concret. Dans ce que vous dites, sur le digital, les machines, cela donne
vraiment envie. Mais j’ai l’impression que nous serons dépendants de
l’électricité, le jour où nous perdrons la source d’énergie qui alimentera tout
cela. Comment çà va se passer ?
Oui, c’est un autre point très
important. Je viens de passer 3 ans avec l’Institut Français du Pétrole sur le
futur de l’énergie sur cette question.
Effectivement, on peut facilement
imaginer une consommation moindre de tous les produits issus du pétrole.
L’informatisation, la digitalisation va nous permettre d’optimiser, d’amplifier
le concept d’économie circulaire. L’IA
via l’économie circulaire peut nous faire envisager un monde sans déchet, et
que cela se fasse quasi automatiquement. On peut aussi imaginer des gains
extraordinaires d’énergie via la digitalisation, mais il faudra toujours de
l’énergie. Car les objets seront peut-être en structure creuse et permettront
des gains d’énergie.
Il faudra toujours de l’énergie
et cette question est au cœur du processus. La grande question est quelle
énergie ?
Sûrement l’énergie solaire, elle
sera sûrement au cœur du processus, aujourd’hui, on ne sait pas la capter. Car
une journée d’énergie solaire suffit à l’ensemble de la planète pour un an. Les
dernières générations d’études montrent
une progression très rapide depuis peu sur ces aspects. Chaque seconde le soleil dégage
autant d'énergie que 10 milliards de bombes nucléaires. Si toute l'énergie du
soleil était dirigée sur la Terre, la croûte terrestre mettrait 3 minutes pour
fondre !
Deux sujets majeurs pour
l’avenir :
1) Comment
peut-on capter l’énergie à moindre coût ?
2) Le
stockage de l’électricité ou des formes d’énergie ?
Une fois ces deux points résolus,
il n’y a plus de problème. Et on est déjà en train de faire de formidables
avancées sur ces deux points. On avance déjà sur la question du stockage, alors
qu’on stagnait sur ce point depuis quelques années.
On développe aussi d’autres
formes alternatives d’énergies, même si elles sont toutes issues du solaire
que ce soit les vagues, la géothermie,
le vent, le pétrole…Elles sont juste stockées différemment. Par exemple, le
pétrole est une forme d’énergie solaire ultra concentrée qui est stockée sous
forme fluide.
C’est pour cela qu’on peut la
déstocker, elle est très importante car elle répond aux deux questions majeures
du captage et du stockage de l’énergie. C’est de l’énergie solaire stockée
pendant des millions d’années qui est un hyper concentré d’énergie qu’on peut
déconcentrer instantanément.
C : Par contre, vu ce qu’on a en ressources concernant le pétrole,
on risque de ne plus en avoir d’ici quelques années…
Au-delà de cette raréfaction, il
y a la question du Co2 crée et de la préservation de la planète. Aujourd’hui,
il est très important que l’on se dissocie du pétrole et de l’émission de gaz à
effet de serre. C’est un enjeu majeur à court terme.
D’ailleurs, les capitalisations
boursières ne s’y trompent pas. Avant, elles se concentraient sur les activités
autour du pétrole, maintenant, elles s’orientent et investissent dans
l’informatique. On peut parler de désinvestissement sur le pétrole. Alors
qu’avant les grandes capitalisations boursières, les grands investissements, le
pouvoir étaient dans les mains des entreprises pétrolières, maintenant, ce
n’est plus le cas, cela a changé radicalement.
Pour la première fois, on glisse
vers la digitalisation. L’informatique
appuyé par ces capitalisations boursières. IL faut qu’on comprenne que c’est
dans cette digitalisation qu’est l’avenir.
C : Dans les rumeurs, on entend dire qu’une deuxième bulle internet,
informatique est à venir pour bientôt. Qu’en pensez-vous ?
C’est fortement possible. Car
plus on a un basculement rapide des finances d’un secteur à un autre, plus
paradoxalement, on y créée une survaleur. Il peut y avoir une bulle, cela ne
veut pas dire que le secteur n’a pas d’importance.
C : Oui, on l’a d’ailleurs vu avec la première bulle internet.
D’ailleurs Google, Amazon sont
les « survivants » de cette première bulle internet.
C : Il y a eu un essor très rapide puis une concentration encore
plus rapide des entreprises liées à internet.
Donc, on vient de développer dans
cette première partie, ce qu’est et l’impact de la digitalisation du monde.
Nous allons maintenant voir quels effets et particularités sur la Silicon
Valley.
2] :
La Silicon Valley : le nouveau futur
centre du monde :
Il y a un phénomène très concret,
on a pensé que cette digitalisation du monde permettrait une déconcentration.
Et c’est vrai jusqu’à un certain point, la Silicon Valley travaille avec le
reste du monde. Elle travaille avec la Chine pour fabriquer les I-Phone, avec
l’Inde pour la programmation des I-Phone…et ainsi de suite. Certaines parties
du monde travaillent avec la Silicon Valley, celles qui ont su prendre le
tournant et le pari de la digitalisation.
Ce qu’on observe c’est que le
cœur décisionnel de cette digitalisation est hyper concentré. Les Etats-Unis
ont essayé de reproduire et de créer de
nouvelles Silicon Valley sur leur territoire, sans succès. La vérité
étant que 50% des financements américains sont centralisés dans la Silicon
Valley. Ce qui est considérable !
C : Ce que vous dites c’est sur les têtes pensantes sont dans la
Silicon Valley et que ceux qui produisent sont localisés dans d’autres
pays ?
Oui, il y a des sous-traitants
ailleurs et le cœur pensant est hyper concentré.
Cette concentration est telle que
les ventures capital qui représentent 50% des investissements sont installées
dans une seule rue dans la Silicon Valley, les autres investissements
représentent uniquement un 1% par-ci 1% par-là. Ils investissent à moins d’un
kilomètre du lieu où ils sont situés car le temps est aussi hyper concentré
pour eux. Etre en lien très fort avec les entreprises dans lesquelles elles
investissent est très important pour ces ventures capital.
Personne n’en a encore parlé
alors qu’on assiste à une hyper concentration planétaire du pouvoir et des
investissement sur ce territoire d’1 km² dans la SV.
C : Il s’agit réellement d’une volonté de pouvoir ou de
contrôle ?
Le pouvoir est très réparti dans
la SV. Par exemple, par rapport à quelques années, le venture capital ne
cherche pas à avoir le contrôle de l’entreprise dans laquelle elle investit. Il
sait que son rôle est d’amener de l’argent et doit laisser l’équipe dirigeante,
diriger. Il s’agit d’un monde de complémentarités entre les investisseurs, les
dirigeants et les experts, une sorte de co-direction intelligente. Tout le
monde est en compétition mais également obligé de travailler ensemble vue la proximité
et les intérêts communs. Et ce sont ceux qui jouent le mieux gagnant-gagnant
qui gagnent en plus.
Le fait de pouvoir dialoguer très
rapidement avec les autres est un atout considérable. Et sur cet aspect-là, il
y a une prédominance dans la SV que d’autres personnes sont en train de
comprendre.
Je n’étais pas revenu depuis 9
ans et c’est impressionnant les changements d’importance qu’il y a eu depuis ce
temps-là !
Il y a 9 ans, la SV était un
endroit où il fallait être car c’était un endroit, un cœur hautement
stratégique pour l’informatique et la digitalisation, un peu comme le Bordelais
pour le vin. Mais c’était un secteur de
l’économie, parmi d’autres. Quand on regarde l’importance de l’informatique il
y a 9 ans et a fortiori, il y a 20 ans, c’est tout petit.
Aujourd’hui, comme on est entré
en phase de digitalisation de l’ensemble du monde, l’informatique a pris une
place importante et devient le cœur du monde.
Ce que j’observe c’est qu’avant
les gens venaient dans la SV pour essayer de reproduire la même chose ailleurs.
Aujourd’hui, ils voient que cette duplication de modèle ne fonctionne pas.
Donc, ils se disent qu’il faut être sur place pour suivre et observer,
participer au mouvement.
Les pays ouvrent des bureaux dans
la SV près des entreprises qui digitalisent, des pouponnières d’entreprises, ce
qui sont appelés des accélérateurs.
C : Et ensuite, quand çà fonctionne, ils ramènent l’entreprise de
la pouponnière chez eux ?
Ah non, là la mode, c’est d’avoir une
pouponnière à start-ups chez eux. D’envoyer les meilleures start-ups dans la
SV, et si çà marche très bien, espérer avoir un retour au moins partiel dans le
pays d’origine. Et que la start-up se développe et fonctionne dans le monde
entier.
Ce que tout le monde se rend
compte c’est que le marketing planétaire, c’est la SV qui est capable de le
faire. C’est une marque de réussite à part entière. Et cela c’est complètement
nouveau depuis 4/5 ans et annonce quelque chose d’autre que je pressens :
Qui est le basculement de la capitale
du monde, qui sera au cœur de la SV. Il y a un glissement des centres de
pouvoir et d’investissement, au-delà de la pure informatique. La SV devient
l’épicentre du monde dans ce qu’il y a de plus stratégique.
Ce n’est pas encore amorcé, au
sens où il n’y a pas d’ambassades, à l’heure actuelle. Ce n’est pas encore un
endroit à enjeu géostratégique mais cela est sur le point de le devenir d’ici
peu.
C : Oui, on pourrait très bien imaginer que les pays qui
installent des pépinières de start-up demandent à ce que cela soit sur la terre
de leur pays, comme une ambassade, mais dans la SV.
Oui, avec la confidentialité des
données et le Big Data, et on n’en est pas loin, de pouvoir visiter des
pépinières chinoises, japonaises et passer d’un pays à l’autre dans la même
rue.
Çà serait donc un mélange d’hyper
concentration et d’hyper délocalisation.
Sur l’histoire du Big Data, on
est en train de s’apercevoir d’une chose, c’est que l’Islande est le nouvel
eldorado, un idéal pour le Big Data. D’une part, car l’énergie y est constante
via la géothermie, et d’autre part comme c’est un pays extrêmement froid, il
n’y a pas besoin ou très peu de refroidir les ordinateurs. Donc, une
consommation d’énergie très peu chère, ce qui est un atout considérable.
Et en plus, l’Islande développe
une de leur singularité en mettant en place une loi qui protège la
confidentialité des données. Ils créent
une sorte de havre, de paradis pour les données, à la fois pas cher en énergie
et protégé.
le robotet la digitalisation du monde ... libérateur de la dimension inspirationnelle et emmotionnelle de l'homme ?
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