Pourquoi Facebook parie sur la vidéo en direct ?
Combien d'élastiques faut-il placer autour d'une pastèque pour qu'elle explose ? C'est à cette question existentielle qu'a voulu répondre, vendredi 8 avril, Buzzfeed, le site américain spécialiste des contenus viraux. Équipées d'une combinaison blanche et de lunettes de protection, deux personnes se sont ainsi patiemment exécutées en direct sur Facebook. L'expérience a été un véritable succès d'audience: après 45 minutes et 690 élastiques, plus de 800.000 personnes ont assisté au moment fatidique.
FACEBOOK ACCÉLÈRE
Cette performance illustre le potentiel de la vidéo en direct. Mark Zuckerberg, le fondateur et patron de Facebook, en a fait l'une des priorités. En août 2015, le réseau social a ainsi lancé Facebook Live. Le service a d’abord été réservé à quelques personnalités. Depuis le début de l'année, il est ouvert à tous. Mercredi 6 avril, il s'est enrichi de nouvelles fonctionnalités comme des filtres se superposant à la vidéo, par exemple pour lui donner un effet rétro, ou la possibilité de réagir en direct en envoyant un emoji "J’aime", "Haha" ou "Grrr".
Facebook veut également donner davantage de visibilité aux vidéos diffusées sur sa plate-forme. Un nouvel espace recense désormais une sélection personnalisée de "lives" et ceux créés par ses amis et par les pages suivies. Pour offrir davantage de contenus, l'entreprise de Menlo Park a aussi noué des accords avec des célébrités et des groupes de médias, comme le New York Times, Buzzfeed et le Huffington Post. Dans l'attente de véritables possibilités de monétisation, ces partenaires sont directement rémunérés par Facebook.
NOUVEAUX USAGES
Pour M. Zuckerberg, les vidéos en direct s'inscrivent parfaitement dans l'évolution du réseau social: du partage de simples statuts au partage de photos et, désormais, celui de vidéos. Depuis fin 2014, Facebook a donc mis l'accent sur la vidéo, de plus en plus mises en avant sur les fils d'actualité. En novembre, le site revendiquait 8 milliards de clips visionnés par jour, soit deux fois plus qu’en avril. "Les vidéos en direct représentent la prochaine étape", assure Brian Blau, analyste au cabinet Gartner.
"Elles s’intègrent parfaitement à Facebook: c’est immédiat, authentique et social, argue de son côté la Française Fidji Simo, l’une des responsables du projet. Nos utilisateurs veulent des expériences plus immersives et interactives". Le réseau social estime aussi que ses utilisateurs ne resteront pas que de simples spectateurs: ils diffuseront des vidéos en direct à destination de leur famille ou de leurs amis. Cela doit permettre de relancer le nombre de partages de contenus personnels. Selon le site The Information, ils auraient chuté de 21% en un an.
CONTRER TWITTER
L'offensive de Facebook dans la vidéo en direct doit aussi lui permettre de riposter au succès de Periscope, l'application de "live streaming" lancée il y a un peu plus d'un an par Twitter. Des émeutes à Baltimore (Maryland) en avril 2015 aux attentats de Bruxelles du 22 mars dernier, la plate-forme a été au coeur de l'actualité. Journalistes et témoins ont utilisé leur smartphone pour partager ces événements en direct. Artistes et sportifs se convertissent aussi à Periscope afin d'interagir avec leurs fans.
Facebook ne peut pas se permettre de laisser le champ libre à Twitter. Ces dernières années, le groupe dirigé par M. Zuckerberg a multiplié les initiatives pour contrer son rival, reprenant parfois certaines de ses recettes. Il cherche à devenir le média utilisé pour relater et commenter l’actualité en temps réel. En début d'année, il a ainsi lancé un espace pour suivre et discuter autour des rencontres sportives. Dans la vidéo en direct, Facebook dispose d'un avantage de taille: son audience d'un 1,6 milliard d'utilisateurs. C'est six fois plus que Twitter.
MONÉTISATION
Le pari de Facebook est également motivé par d’importantes opportunités de monétisation. "Ce n’est pas la priorité", assure Mme Simo, tout en reconnaissant "des discussions avec des partenaires pour trouver le bon modèle économique". "Il sera d'abord basé sur la publicité", prédit M. Blau. A terme, des spots de publicité devraient ainsi être diffusés au lancement de la vidéo, voire en cours de retransmission. Comme sur YouTube, une partie des recettes pourraient être reversées aux créateurs de contenus.
En 2018, les vidéos en ligne devraient générer plus de 13 milliards de dollars (11,5 milliards d’euros) de recettes publicitaires aux Etats-Unis, estime le cabinet eMarketer. Comme pour la télévision, la vidéo en direct pourrait offrir des taux d'engagement plus élevés, ce que recherchent les annonceurs. D'autres opportunités de monétisation s'offriront à Facebook. Par exemple: pousser les diffuseurs à acheter des posts sponsorisés pour attirer une audience plus large. Ou alors "des abonnements pour accéder à certains contenus", imagine M. Blau.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire