"Nous sommes à un changement de civilisation, nous ne parlons plus d'innovation incrémentale mais d'innovation de rupture et d'une innovation que nous n'avons pas vu venir."
Laurent Alexandre : "Le tsunami technologique est là, et rien n'est prêt"
"Nous sommes à un changement de civilisation, nous ne parlons plus d'innovation incrémentale mais d'innovation de rupture et d'une innovation que nous n'avons pas vu venir."
Ainsi Laurent Alexandre, urologue, président de la société belge DNAVision, leader en Europe dans le domaine du séquençage de l'ADN, fondateur du site Doctissimo, introduit-il son intervention, lors du Sommet économique du Grand Sud, sur les bouleversements qui nous attendent avec le développement exponentiel de l'innovation.
"Le coût du séquençage ADN a été divisé par 3 millions en 10 ans. L'ère du bricolage du vivant débute maintenant. Nous allons faire avec les chromosomes et les cellules ce que nous avons fait il y a des décennies avec la matière."
"Le tsunami technologique auquel nous assistons demande des réponses économiques, morales, éthiques... et rien n'est prêt. C'est un choc à la fois technologique et psychologique", marqué par le développement des Gafa (Google, Amazon, Facebook et Apple), des NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique et cognitique), de l'idéologie humaniste et de l'émergence de la zone Asie Pacifique.
Abordant la démarche des transhumanistes, il prévient que "on ne descend pas de la révolution technologique comme on descend d'un train. Tous les milliardaires intellectuels de la Silicon Valley donnent des milliards à la lutte contre la mort. L'espérance de vie croît actuellement de trois mois par an, l'espoir des transhumanistes est qu'elle augmente de un an par an, ce qui de facto nous rendrait immortels." Laurent Alexandre rappelait que personne n'avait vu arriver Google dans la médecine :
"Quand j'ai créé Doctissimo, tout le monde pensait que le pouvoir allait passer du docteur au patient. Ça va passer aux supers systèmes. J'ai bien fait de vendre Doctissimo à Arnaud Lagardère. Le docteur de 2030 aura le statut de l'infirmière d'aujourd'hui, le médecin sera subordonné à l'algorithme."
"L'école de demain va gérer les cerveaux et non les savoirs"
"Le développement de la puissance informatique est stupéfiant. Ça va continuer assez pour disrupter l'économie et la société. La valeur se concentre vers ceux qui possèdent les technologies et les NBIC : ce n'est pas moral mais c'est comme ça. La valeur est dans l'algorithme, elle disparaît des secteurs traditionnels", assure-t-il en comparant les valorisations de WhatsApp et Peugeot. "Les Gafa attaquent. L'objectif de Google est de tuer la mort avec l'augmentation de l'espérance de vie de 20 ans dans un premier temps puis de 500 ans."
L'homme 2.0 arrive, la réalité des implants cérébraux pour nous augmenter n'est plus à démontrer :
"C'est dans 20 ans : c'est maintenant", prévient Laurent Alexandre qui rappelle que "Bill Gates estime qu'en 2035 les automates auront remplacé les infirmières. Nous entrons par effet domino dans la guerre des cerveaux. L'école de demain va gérer les cerveaux et non les savoirs : il s'agira de savoir comment modifier les cerveaux pour apprendre plus vite."
"A la veille de problèmes éthiques absolument immenses"
Des évolutions impliquant des craintes éthiques importantes par rapport à un eugénisme 2.0 qui s'annonce.
"Nous sommes de toute évidence en plein renouveau de l'eugénisme - "Je ne comprends pas que les gens n'aient pas peur de l'intelligence artificielle", nous dit Bill Gates -. Une prise de sang permet de voir tout l'ADN, ce qui était impossible il y a cinq ans", précise-t-il, évoquant le programme de séquençage des surdoués en Chine, avec sélection des embryons. "Nous sommes à la veille de problèmes éthiques absolument immenses." Le citoyen est-il capable de dire stop ?
"Les transhumanistes ont gagné la bataille : tout le monde préfère un cœur artificiel à la mort, la rétine artificielle au fait d'être aveugle. Nous changeons d'éthique comme de chemise sans nous en rendre compte. Qui a protesté contre le cœur artificiel, qui est le premier doigt dans le cyborg ? Il est difficile de savoir ce que nous allons faire des technologies NBIC quand on voit la vitesse à laquelle notre éthique change dans l'espace et dans le temps."
Changer nos élites politiques ?
"L'idée que le premier homme qui vivra 1.000 ans est déjà né est une idée centrale chez Google." Mais il est possible de réagir : "La contre-révolution n'est pas impossible. Certains proposent de casser Google en morceaux." Faut-il pour affronter cette révolution technologique changer nos élites politiques ? Oui, répond Laurent Alexandre : "On compte sur les doigts d'une main les hommes politiques qui comprennent les enjeux technologiques, estime-t-il en citant en exemple le président de la Région Aquitaine Alain Rousset ("Il va falloir concevoir, organiser, préparer les nouveaux métiers : personne n'a une démarche aussi mûre que cette région") ou encore le ministre de l'Economie Emmanuel Macron.
"François Hollande, qui est un homme remarquablement intelligent, n'a toujours pas d'ordinateur sur son bureau. Si nous voulons prendre part à cette évolution pour le meilleur en évitant le pire, il est plus que temps de changer les élites politiques car le tsunami économique est déjà en route."
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