2016/09/20

2016 09 17_24 SCIENCES DE LA VIE, SCIENCES DE L'INFORMATION A CERISY

D’un côté, des scientifiques se posent la question "Qu’est-ce que la vie?". 
D’un autre côté, la question "Qu’est-ce que l’information?" apparaît tout aussi pertinente. 

Un organisme vivant, le plus simple soit-il, est un réseau d’interactions, de communications, d’inscriptions mobilisant une énorme quantité d’information. Le mot "mémoire" a-t-il le même sens en informatique, en biologie et en écologie? 

Est-ce que, comme l’a pressenti Gilbert Simondon, l’information est ce qui donne forme et se perpétue en structurant la matière? 

La biologie moléculaire a mis à jour les principales étapes de l’expression des gènes. Mais on ne sait toujours pas ce qu’est un gène: de l’information ou une structure moléculaire? 

Les nanostructures d’ADN ou d’ARN révèlent des architectures en 3D qui seraient les "moteurs" des nanomachines de demain, aux multiples applications thérapeutiques, chimiques et algorithmiques (ou bio-informatiques?). 

Enfin, l’épigénétique bouscule les conceptions "mécaniques" de l’expression des gènes. Au niveau cellulaire, cette expression stochastique permet de concevoir une organisation biologique reposant sur un "darwinisme cellulaire".

La compréhension des origines et de l’évolution du vivant constitue l’un des grands défis du XXIe siècle. Comment envisager l’évolution biologique et le futur de la biosphère, ainsi que celui de l’espèce humaine, dans le contexte de la nouvelle alliance du naturel et de l’artificiel? 

Cela pose, en particulier, des questions éthiques. Plus généralement, la technique est-elle un fait social et/ou un prolongement biologique?

La transformation conjointe de la technique et de la société par le système d’information constitue-t-elle un nouveau stade de l’évolution?







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Programme 2016 : un des colloques



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SCIENCES DE LA VIE, SCIENCES DE L'INFORMATION

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Mise à jour
30/08/2016

DU SAMEDI 17 SEPTEMBRE (19 H) AU SAMEDI 24 SEPTEMBRE (14 H) 2016

( Colloque de 7 jours )

DIRECTION : Thierry GAUDIN, Dominique LACROIX, Marie-Christine MAUREL, Jean-Charles POMEROL

ARGUMENT :

D’un côté, des scientifiques se posent la question "Qu’est-ce que la vie?". D’un autre côté, la question "Qu’est-ce que l’information?" apparaît tout aussi pertinente. Un organisme vivant, le plus simple soit-il, est un réseau d’interactions, de communications, d’inscriptions mobilisant une énorme quantité d’information. Le mot "mémoire" a-t-il le même sens en informatique, en biologie et en écologie? Est-ce que, comme l’a pressenti Gilbert Simondon, l’information est ce qui donne forme et se perpétue en structurant la matière? La biologie moléculaire a mis à jour les principales étapes de l’expression des gènes. Mais on ne sait toujours pas ce qu’est un gène: de l’information ou une structure moléculaire? Les nanostructures d’ADN ou d’ARN révèlent des architectures en 3D qui seraient les "moteurs" des nanomachines de demain, aux multiples applications thérapeutiques, chimiques et algorithmiques (ou bio-informatiques?). Enfin, l’épigénétique bouscule les conceptions "mécaniques" de l’expression des gènes. Au niveau cellulaire, cette expression stochastique permet de concevoir une organisation biologique reposant sur un "darwinisme cellulaire".

La compréhension des origines et de l’évolution du vivant constitue l’un des grands défis du XXIe siècle. Comment envisager l’évolution biologique et le futur de la biosphère, ainsi que celui de l’espèce humaine, dans le contexte de la nouvelle alliance du naturel et de l’artificiel? Cela pose, en particulier, des questions éthiques. Plus généralement, la technique est-elle un fait social et/ou un prolongement biologique? La transformation conjointe de la technique et de la société par le système d’information constitue-t-elle un nouveau stade de l’évolution?

CALENDRIER PROVISOIRE :

Samedi 17 septembre
Après-midi:
ACCUEIL DES PARTICIPANTS

Soirée:
Présentation du Centre, du colloque et des participants


Dimanche 18 septembre
Matin:
Pierre-Yves OUDEYER: Comment la modélisation robotique aide à comprendre la dynamique du développement chez l’enfant
Frédéric WORMS: Matière, mémoire et information chez Bergson

Après-midi:
De quelle information parlons-nous?
Dialogue entre Bernard DUJON (Déclin et contingence, bases de l’évolution biologique) et Niles LEHMAN (Théorie des jeux dans un système tout ARN [en anglais])

Dialogue entre Giuseppe LONGO (L’information digitale et le dualisme "logiciel/matériel" vs. les organismes et le "sens", physique, biologique) et Andràs PALDI (Information et épigénétique)

Soirée:
Protéodies, présentation de la musique des protéines par Joël STERNHEIMER


Lundi 19 septembre
Matin:
Antonio LAZCANO: L’émergence de la vie [en anglais]
Gérard BERRY: Vers une approche algorithmique des sciences du vivant

Après-midi:
Où est l'information?
Table ronde avec
Ana SOTO: Vers une théorie des organismes
Vincent FLEURY: Localisation de l’information morphodynamique
Guillaume LECOINTRE: Faut-il sauver le concept d'information génétique?

Apports de l'éthologie
Dialogue entre Jean-Claude BARREY (La vie: un tourbillon simplexe entre matière, énergie et information. Une réinterprétation moderne du schéma de Craig-Lorenz) et Véronique SERVAIS(Évolution de la communication sociale)

Soirée:
Rouge nature, présentation de photographies par Dominique LACROIX


Mardi 20 septembre
Matin:
Alonso RICARDO: Encodage de l'information biologique dans les polymères: modèles minimalistes pour comprendre les origines de la vie [en anglais]
Alessandra CARBONE: Conservation et co-évolution: de la séquence à la fonction
François FAGES: Processus du vivant comme programmes et algorithmes naturels

Après-midi:
Qu'est-ce qu'une espèce?
Dialogue entre Philippe GRANDCOLAS (L’espèce est une classe conceptuelle, pas une "sorte" naturelle!) et Bernadette BENSAUDE-VINCENT (Redesigning life: métaphore du Lego ou métaphore du code?)

Évolution et sélection
Table ronde avec
Hugues BERSINI: Vie artificielle et compréhension du vivant
Frédéric DUCONGÉ: Évolution darwinienne artificielle d'acides nucléiques
Marco SAITTA: De la physique computationnelle aux origines de la vie [en anglais]

Soirée:
Jean FOURTAUX: L'évolution en images


Mercredi 21 septembre
Matin:
Physique, évolution, information
Michel CASSÉ: Physique quantique et métaphysique
Kavé SALAMATIAN: L’informatique et la tentation de Babel

Après-midi:
Visite guidée au Mont Saint-Michel, par Xavier BAILLY et Anne-Flore MARZIOU (Administration de l'abbaye du Mont)

Soirée:
Projections de films


Jeudi 22 septembre
Matin:
Ada YONATH: Le cœur prébiotique de la liaison peptidique fonctionne toujours dans toutes les cellules vivantes [en anglais]
Jean-Gabriel GANASCIA: Infosphère: vivant, artificiel, éthique

Après-midi:
Individuation et vie artificielle
Dialogue entre David PRANGISHVILI (Virus Archaea: fossiles vivants de l’ancienne virosphère? [en anglais]) et Vincent BONTEMS (Simondon et la biologie)

Organismes et organisation
Table ronde avec
Mathieu LIHOREAU: Les groupes animaux en tant que systèmes cognitifs
Dominique GUILLO: Comment rendre compte des phénomènes socio-culturels interspécifiques? Un modèle évolutionniste et interactionniste
Maël MONTÉVIL: Principes théoriques pour les organismes: principes de variation et d'organisation

Soirée:
Film sur les expéditions Tara, introduction par Christian SARDET


Vendredi 23 septembre
Matin:
Mathématiques, physique et biologie
Cédric VILLANI: Statistiques, sens et évolution
Joseph ZACCAI: Force et mouvement dans la transmission de l'information biologique
Heinz WISMANN: D'où vient la notion de fonction?

Après-midi:
Big Data et biodiversité
Dialogue entre Régine VIGNES-LEBBE (Langage naturel, langage formel et description du vivant) et Gilles BOEUF (Entre humain et biodiversité)

Transhumanisme
Table ronde avec
Jean-Michel BESNIER: Le transhumanisme et l'avenir de la négation
François PACHET: Un ordinateur musicien?
Gérard BERRY, discutant
Heinz WISMANN, discutant

Soirée:
Échanges libres


Samedi 24 septembre
Matin:
Synthèse et conclusion
Philippe KOURILSKY: Le jeu de la survie, du hasard et de la complexité

Après-midi:
DÉPARTS

RÉSUMÉS :

Jean-Claude BARREY: La vie: un tourbillon simplexe entre matière, énergie et information. Une réinterprétation moderne du schéma de Craig-Lorenz
La méthodologie inductive, propre à l'éthologie, impose, avant toutes conclusions détaillées, "une observation soigneuse, prolongée, non directionnelle" laissant l'animal observé libre de ses choix comportementaux. Nous observerons donc l'animal dans son environnement propre, son Umwelt, et nous analyserons ces observations dans le cadre opérationnel du schéma de Craig-Lorenz, dont les quatre items sont: [production endogène d'excitation pour les fonctions de sécurité, de relations, de subsistance, de récupération], [comportement d'appétence, recherche de la situation favorable dans l'umwelt local avec apprentissages], [rencontre avec une combinaison sensorielle prégnante], [acte consommatoire]. Une révision des mécanismes mis en œuvre dans le fonctionnement de ce schéma de Craig-Lorenz devra être opérée en fonction des récentes acquisitions de la biologie systémique. Enfin, nous donnerons des exemples du fonctionnement normal ou pathologique du schéma, appliqué au cerveau reptilien, limbique et cognitif de l'individu, de son groupe social (étho-sociologie, étho-économie)...

Bernadette BENSAUDE-VINCENT: Redesigning life: métaphore du Lego ou métaphore du code?
Designing ou redesigning life est une expression souvent utilisée pour caractériser l’agenda de la biologie de synthèse depuis une dizaine d’années. Dans quelle mesure s’agit-il d’un véritable programme de recherche ou d’un slogan un porteur d’espoirs et d’ambitions. On montrera à partir d’une analyse des métaphores favorites utilisées par les biologistes de synthèse que ce programme repose sur deux visions simplistes du vivant: la métaphore du Lego suggère une vision de blocs et de modules à agencer; la métaphore du code, lu puis récrit, suggère une vision purement informationnelle. Les deux métaphores alimentant une image ludique très Disney de la biologie de synthèse. Dans quelle mesure les pratiques effectives de recherche s’éloignent-elles de cette image ludique? Dans quelle mesure les slogans peuvent-il affecter la crédibilité des programmes de recherche actuels? Comment engager un véritable débat sur les questions éthiques et sociétales dans un tel contexte?

Gérard BERRY: Vers une approche algorithmique des sciences du vivant
Les sciences du XXe siècle reposaient sur le triangle matière-énergie-ondes. De nos jours, la science et la technologie informatiques bouleversent le monde. La nouveauté, la variété et l’originalité de leurs applications montrent combien les leviers de l’information, des algorithmes et des programmes peuvent être plus puissants que les leviers physiques. Une nouvelle façon de voir les sciences s’impose, où les approches algorithmiques complètent les approches équationnelles des mathématiques classiques. En sciences de la vie et en médecine, c’est omniprésent: fusion d’images issues d’appareils physiques variés, diagnostic, chirurgie et protocoles de soin, implants largement informatisés. L’analyse de grandes données biologiques et médicales puis la simulation qualitative et quantitative du vivant sur ordinateur couplent informatique et mathématiques appliquées. On étudie le vivant en termes d’information et de systèmes d’informations à différentes échelles: repliage des protéines, signalisation cellulaire et même organes, organismes et sociétés. Mais nombre de scientifiques ne sont pas habitués aux raisonnements sur l’information, différents de ceux sur la matière et l’énergie. Or, les informaticiens ne sont plus seulement des ingénieurs utiles aux calculs, ils sont des scientifiques capables d’apporter des points de vues différents et potentiellement féconds.

Hugues BERSINI: Vie artificielle et compréhension du vivant
La vie primitive est au carrefour de trois processus: individuation, métabolisme et édification programmée. Dans mon exposé, et dans le sillage de précurseurs tels que Tibor Ganti et Francisco Varela (puis toute la communauté "Vie Artificielle"), j’expliquerai comment l’informatique seule peut nous permettre de comprendre dans le détail les instructions à l’œuvre dans l’émergence de ces trois processus: leur fonctionnement propre et surtout la manière dont ils dépendent l’un de l’autre et se cogénèrent l’un l’autre. J’illustrerai mon exposé par de nombreuses tentatives de programmation informatique de cette cellule minimale.

Jean-Michel BESNIER: Le transhumanisme et l'avenir de la négation
Inscrit dans la prospective transhumaniste, l’humain est voué à une double réduction: aux métabolismes qui définissent le vivant et aux automatismes qui régissent les machines. Animalisation et machinisation écartent ce qui semblait constituer l’humain dans sa spécificité, à savoir l’accès au monde symbolique livré par les langages et les cultures. Ainsi, la conjonction des sciences du vivant et des sciences de l’information, telle que la traduisent les utopies posthumaines, signale peut-être la ruine de l’aptitude à dire "non" en laquelle se manifeste la liberté de l’humain.

Jean-Michel Besnier est Professeur émérite de Philosophie à l’Université Paris-Sorbonne où il a dirigé l’Équipe de recherches "Rationalité contemporaines". Il a enseigné à l’Université de Technologie de Compiègne (UTC) de 1988 à 2001 et assuré la direction du Département Technologie et Sciences de l’Homme. De juillet 2009 à avril 2011, il exerça la fonction de Directeur scientifique du Secteur Sciences et Société à la Direction Générale Recherche et Innovation du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
Parmi ses dernières publications
Histoire de la philosophie moderne et contemporaine, Grasset et Livre de poche.
La croisée des sciences, Le Seuil, 2006.
Demain les posthumains, Fayard, 2010 et Pluriel, 2012.
L’homme simplifié. Le syndrome de la touche étoile, Prix 2012 du Nouveau Cercle de l’Union, Fayard, 2012.
Un cerveau prometteur. Conversations sur les neurosciences, avec F. Brunelle, éditions Le Pommier, 2015.


Gilles BOEUF: Entre humain et biodiversité
Le vivant a élaboré, depuis les origines de la vie, plus d’un milliard d’espèces, certaines disparues, d’autres encore actuelles, virus, bactéries, protistes, champignons, plantes et animaux, avec une infinité de variétés, formes, couleurs, comportements, traits d’histoire de vie... et capacités d’adaptation. Facteurs abiotiques et biotiques sont les éléments déterminants de l’évolution de la vie. Des 5 000 minéraux connus aujourd’hui, les 2/3 n’existeraient pas sans le vivant. Le climat et vivant sont en interactions permanentes et, depuis une époque récente (800 000, 12 000, 300 ou 70 ans?), l’anthropocène proposé par Paul Crutzen place l’humain au centre de changements plus ou moins brutaux, destruction et pollution des écosystèmes, disséminations anarchiques d’espèces, surexploitation des ressources, vivantes ou minérales. L’humain vit aujourd’hui immergé dans ses déchets, certains extrêmement toxiques. Alors comment changer et évoluer? Paul R. Ehrlich se demandait en 2013: "Can a collapse of gobal civilization be avoided?". Saurons-nous enfin mériter ce terme de "sapiens" dont nous nous sommes affublés?

Michel CASSÉ: Physique Quantique et Métaphysique
Astrophysicien d’obédience, nous jetterons un regard (amusé) d’astronome sur la vie et la conscience selon le paradigme quantique et cordelier des mondes multiples, pour ensuite, revenant à nous, applaudir au mariage de la théorie quantique de l’information et de la biologie, une des applications les plus réussies du formalisme quantique en dehors de la physique. Nous terminerons au bain avec Héraclite, brossant un grand schème des choses en termes de densité de puissance (flux d’énergie par gramme de matière).

Frédéric DUCONGÉ: Évolution darwinienne artificielle d'acides nucléiques
Les acides nucléiques peuvent à la fois servir de support chimique de l’hérédité et avoir des activités biologiques. Les biotechnologies permettent aujourd’hui d’exploiter ces propriétés pour concevoir par évolution darwinienne de nouvelles espèces moléculaires artificielles dont la survie aura été favorisée, non par l’accès aux ressources d’un milieu naturel mais par un critère de survie imposé par un expérimentateur. Ces objets peuvent être exploitables industriellement et servir à mieux comprendre les processus d’évolution du vivant.

Bernard DUJON: Déclin et contingence, bases de l’évolution biologique
Les biologistes ont pris l’habitude de penser l’évolution en terme de progrès résultant de la sélection naturelle au sein de lignées verticales dans le temps. Dans ce schéma intellectuel, les organismes vivants, répartis en espèces distinctes faisant barrière à l’échange des gènes, sont supposés tendre en permanence vers l’optimum adaptatif qui correspond à leur mode de vie. Les progrès récents de la génomique éclairent ces questions de façon nouvelle. Aucun génome n’est optimum, tous montrent des traces abondantes d’un passé révolu, dispensables au temps présent mais sources de l’évolution à venir. Des gènes se perdent, d’autres se gagnent par duplications, acquisitions horizontales ou formation de novo. J’essaierai d’illustrer ces idées avec, entre autres, l’exemple des levures.

François FAGES: Processus du vivant comme programmes et algorithmes naturels
Il est frappant qu’aucun concept en biologie ne semble pouvoir s’accommoder d’une quelconque définition formelle sans immédiatement devoir introduire des exceptions qui la rendent aussitôt caduque. Ainsi en va-t-il des concepts pourtant fondamentaux d’espèce et d’organisme qui semblent toujours devoir s’effondrer au profit du concept global d’écosystème, que l’on voulait décomposer. Aussi en suis-je venu à me demander si le propre du vivant n’est pas précisément de ne pouvoir être enfermé dans une quelconque définition et d’échapper nécessairement à toute tentative de classification non triviale. Dans les systèmes formels, des situations quelque peu analogues se produisent, par exemple en lambda-calcul si on considère la lambda-expression qui génère par réduction l’ensemble de toutes les lambda-expressions, et qui mettra toujours en faillite le travail de tout zoologiste du lambda-calcul. Mais à défaut de définir le vivant, il nous reste la possibilité de définir formellement les processus du vivant, aux échelles microscopiques comme macroscopiques, comme des programmes et des algorithmes naturels, acquis par l’évolution à ces différentes échelles.

Vincent FLEURY: Localisation de l’information morphodynamique
La formation d’un embryon de vertébré s’opère par une succession de plis. Des travaux récents montrent que cette succession de plis n’est pas du tout arbitraire. Les plis séparent de grandes fonctions, et ils ont lieu exactement sur les frontières entre types cellulaires. Ces frontières séparent des anneaux de cellules de tailles différentes, la variation de tailles de cellules est régulière, et les plis ont lieu sur les frontières par un mécanisme d’accrochage du flambage aux contrastes mécaniques. Il existe donc un phénomène physique simple capable de transformer une succession d’anneaux en un animal organisé. Le code, ce sont les anneaux, l’algorithme de déchiffrage le flambage visco-élastique, et l’encodage le rythme des divisions.

Jean FOURTAUX: L'évolution en images
La Vie est apparue très rapidement. Les moteurs essentiels de son développement sont les erreurs de duplication des organismes (mutations) et les changements de l’environnement. L’Évolution n’a pas un déploiement continu: elle a la forme d’un buisson élagué, avec disparitions et régressions, et ses mécanismes sont multiples. Une spectaculaire illustration en est la chaîne qui va des amphibiens à Homo sapiens, passant par les reptiles, mammifères, premiers primates, hominoïdes dont la station debout libère la possibilité d’augmentation du volume de la boîte crânienne et du cerveau.

Jean Fourtaux; né à Limoges en 1939, a vécu aux confins Limousin - Périgord jusqu'à ses études supérieures, visitant dès sa petite enfance les sites préhistoriques de Dordogne proches des Eyzies, "Capitale mondiale de la préhistoire". De là sa passion précoce pour la préhistoire et la paléontologie. Il a fait des études scientifiques (École Polytechnique) et passé sa vie professionnelle à EDF et Gaz de France.  Il a consacré une partie importante de ses loisirs à développer ses connaissances en paléontologie et autres sciences de la vie.
Publication
La Vie: une épopée de 4 milliards d’années, Éditions Ovadia, 2010.

Jean-Gabriel GANASCIA: Infosphère: vivant, artificiel, éthique
Avec la notion d’infosphère, la philosophie de l’information propose d’introduire un niveau d’abstractiondans lequel les agents artificiels, les organismes vivants et les êtres humains ont tous un même statut d’organismes informationnels (inforgs en anglais, orins en français), ce qui conduit à "ré-ontologiser" le monde en trouvant une contrepartie aux notions usuelles dans l’infosphère, par exemple à fonder l’éthique sur l’entropie, notion clef en théorie de l’information. Nous nous demanderons jusqu’où ce parallèle informationnel entre le vivant et l’artificiel peut prétendre, en particulier en matière d’éthique.

Philippe GRANDCOLAS: L’espèce est une classe conceptuelle, pas une "sorte" naturelle!
La notion d’espèce est au centre de la biologie et de notre perception du vivant. Grâce au système taxonomique notamment, elle permet de désigner des entités biologiques communes à tous les savoirs et toutes les situations, autorisant des comparaisons de finalité variée. Une tradition progressiste très répandue veut que les innovations méthodologiques et technologiques des dernières décennies permettent de mieux la définir, comme si l’on éclairait un volume complexe sous différents angles pour percevoir sa forme dans l’obscurité. Cette tradition, bien que sympathiquement optimiste, est incorrecte. Elle est basée sur une vision naïve que l’on pourrait qualifier d’essentialiste, qui amène à confondre une "sorte" naturelle avec une classe. En réalité, les différents éclairages apportés par la systématique, la phylogénétique, la biologie des populations, la génomique, etc. répondent à différentes questions et ne définissent pas exactement la même "sorte". Il faut donc comprendre comment associer ces différents éclairages avec un nom fourni par la taxonomie et quelle est la signification de cette association.

Dominique GUILLO: Comment rendre compte des phénomènes socio-culturels interspécifiques? Un modèle évolutionniste et interactionniste
L’objectif est ici de rendre compte des interactions sociales humains/animaux et, plus largement des phénomènes culturels, en articulant, sans réduction croisée, les sciences sociales et les sciences de la vie. Ce modèle repose sur l’idée suivante: ce qui est central, dans les phénomènes culturels, ce n’est pas l’identité des individus — de leurs informations, de leurs états mentaux, de leurs dispositions, de leurs savoir-faire —, mais les possibilités d’ajustement pratique entre leurs actions — condition qui peut être réalisée entre des êtres très différents. On s’appuiera sur des données recueilles sur les interactions humains/chiens et humains/macaques de Barbarie en France et au Maghreb.

Dominique Guillo est sociologue, directeur de recherche au CNRS (GEMASS, Paris, et CRESC, Rabat), responsable du programme ANR LICORNES. Il travaille actuellement sur les interactions humains / animaux (chiens, macaques de Barbarie), ainsi que sur la réception du darwinisme, à travers une comparaison entre des terrains français et marocains.
Publications
Des chiens et des humains, Paris, Le Pommier, 2011.
Darwin in France, Oxford, Bardwell, 2016.


Philippe KOURILSKY: Le jeu de la survie, du hasard et de la complexité
Comment les êtres vivants font-ils face aux hasards de leur environnement et de leur milieu intérieur? Ils survivent grâce à leur robustesse, inscrite dans des mécanismes dont la complexité croissante accompagne l’évolution de leur propre complexité. Cette perspective impose d’inclure la complexité dans les logiques du vivant. Nous sommes aujourd’hui incapables d’interpréter la majeure partie des données expérimentales générées par des technologies toujours plus performantes, faute de concepts et d’un système logique et mathématique capable de traiter la complexité biologique.

Guillaume LECOINTRE: Faut-il sauver le concept d'information génétique?
L’information est ce qui est transmis et qui, par définition, détient une propriété d’invariance vis-à-vis du support matériel qui lui sert de vecteur. Cette vision de l’information n’est pas tenable en biologie, où la propriété d’invariance est impossible à garantir car toute structure matérielle change, par définition. Pire, en biologie la variabilité est centrale pour la pérennité généalogique. Allons jusqu’au bout: le niveau d’intégration qualifié de "biologique" est celui qui détient ses propres sources de variations aléatoires. Alors, faut-il sauver le concept d’information génétique? Nous proposerons une approche nominaliste de la bio-information en proposant une définition analogue à la définition de l’homologie en systématique. L’information (génétique) est une homologie des processus qui génèrent du semblable; elle est donc de l’ordre du discours de l’observateur, et non un invariant du monde réel (matériel). Tout comme l’homologie gère par le langage ce sur quoi on s’accorde à donner le même nom à des structures malgré des différences toujours détectables dans le détail, l’information génétique gère et désigne par le langage les processus qui génèrent des formes semblables, mais toujours différentes dans le détail.

Mathieu LIHOREAU: Les groupes animaux en tant que systèmes cognitifs
Les animaux, y compris nous humains, ont développé des capacités cognitives permettant d’acquérir, analyser et retenir des informations environnementales essentielles au développement et à la reproduction. Chez de nombreuses espèces, ces capacités sont prolongées au niveau du groupe grâce à des cascades de transfert d’information sociale permettant souvent aux individus de prendre des décisions plus rapides et plus précises pour exploiter les ressources de leur environnement. On peut alors se demander si la complexité de l’environnement a favorisé l’évolution de la vie sociale? Je discuterai cette possibilité à travers des exemples chez les insectes, un groupe animal caractérisé par une grande diversité de comportements sociaux et un système nerveux miniature.

Mathieu Lihoreau est chercheur CNRS affilié au Centre de Recherches sur la Cognition Animale de l’Université Paul Sabatier (Toulouse). Au cours de sa thèse à Rennes puis de ses post-doctorats à Londres et à Sydney, Mathieu a développé une approche comparative de l’étude du comportement et de la cognition chez des insectes présentant un large spectre de formes sociales (solitaires, grégaires, sociales) en combinant observations de terrain, expérimentions en laboratoire et modélisation.
Publications majeures
Lihoreau M, Buhl J, Charleston MA, Sword GAS, Raubenheimer D, Simpson SJ (2015). Nutritional ecology beyond the individual: a conceptual framework for integrating nutrition and social interactions. Ecology Letters. 18:273-286.
Lihoreau M, Raine NE, Reynolds AM, Stelzer RJ, Lim KS, Smith AD, Osborne JL, Chittka L (2012) Radar tracking and motion sensitive cameras on flowers reveal the development of pollinator multi-destination routes over large spatial scales. PLoS Biology10:e1001392.
Lihoreau M, Latty T, Chittka L (2012). An exploration of the social brain hypothesis in insects. Frontiers in Physiology 3:165.


Giuseppe LONGO: L’information digitale et le dualisme "logiciel/matériel" vs. les organismes et le "sens", physique, biologique
De quelle information parlons-nous? Depuis Turing et Shannon, des remarquables théories de l’élaboration et de la transmission de l’information (respectivement) hantent les espaces des autres sciences. De quelle façon la nature alphanumérique, discrète, de ces deux théories, change le rapport de la construction de connaissance au réel? Quel rôle donnent-elles à la mesure, en physique, en biologie? On esquissera quelques-unes des conséquences de ce regard digitalisé en biologie des organismes et, plus en général, sur la compréhension des dynamiques complexes en sciences de la nature.

Maël MONTÉVIL: Principes théoriques pour les organismes: principes de variation et d'organisation
Dans cette présentation, nous développons deux principes théoriques qui opèrent ensemble pour permettre de comprendre les organismes vivants dans leurs spécificités. Le premier est un principe de variation, et nous montrons qu'il conduit à distinguer fortement les objets biologiques des objets physiques. Le second est un principe d'organisation, s'appuyant sur une tradition riche en biologie théorique et qui met l'accent sur l'interdépendance des parties d'un organisme. Ces deux principes, combinés à la notion d'état par défaut, conduisent à un concept de contrainte biologique opératoire, riche et original.

Maël Montévil poursuit des travaux à l'interface entre biologie expérimentale et théorique et philosophie des sciences, notamment pour encadrer théoriquement l'utilisation des mathématiques en biologie. Il est actuellement chercheur contractuel à l'Université Paris Diderot, Laboratoire Matière et Systèmes Complexes, Labex Who Am I?, et associé à l'Institut d'Histoire et de Philosophie des Sciences et des Techniques.
Publication
Longo, G., & Montévil, M.. (2014), Perspectives on Organisms: Biological time, symmetries and singularities. Lecture notes in morphogenesis, Springer (http://montevil.theobio.org).


Pierre-Yves OUDEYER: Comment la modélisation robotique aide à comprendre la dynamique du développement chez l’enfant
La compréhension du développement chez l’enfant est l’une des questions les plus difficiles de la science contemporaine. En effet, c’est un système dynamique massivement complexe. Le développement de nouvelles compétences peut être vu comme un processus de morphogenèse impliquant l’interaction de nombreux mécanismes à plusieurs échelles d’espace et de temps. Des phénomènes d’auto-organisation font que les concepts d’inné et d’acquis ne sont pas des outils d’explication adéquats: il est nécessaire de prendre une perspective systémique. Pour cela, il est éclairant de construire et d’expérimenter des robots qui modélisent les processus de croissance du cerveau et du corps. Ce type d’approche peut permettre d’expliquer comment de nouveaux patterns peuvent se former au cours du développement moteur, cognitif et social. Cela complémente les méthodes expérimentales traditionnelles en psychologie et en neurosciences, où seules quelques variables peuvent être étudiées en même temps.

Pierre-Yves Oudeyer, directeur de recherche à l'Inria, étudie les mécanismes de l’apprentissage et du développement sensorimoteur, cognitif et social chez l’humain et les robots. Suivant une approche multidisciplinaire, où les sciences informatiques et robotiques participent à la compréhension du vivant et de l’homme, il s’intéresse au rôle de l’auto-organisation et de l’apprentissage au cours des interactions entre cerveau, corps et environnement physique et social. En particulier, il étudie le rôle de la curiosité et des motivations intrinsèques dans l’acquisition de nouveaux savoir-faire. Lauréat du programme européen ERC et du prix Le Monde de la recherche universitaire, il dirige l’équipe Flowers à Inria et à l’Ensta ParisTech.
Publications
How Evolution may work through Curiosity-driven Developmental Process, Oudeyer, P-Y. and Smith. L. (in press), Topics in Cognitive Science.
Aux sources de la parole: auto-organisation et évolution, Oudeyer, P-Y. (sept. 2013), Odile Jacob, Paris.
Intrinsic Motivation Systems for Autonomous Mental Development, Oudeyer P-Y, Kaplan , F. and Hafner, V. (2007), IEEE Transactions on Evolutionary Computation, 11(2), pp. 265–286.


François PACHET: Un ordinateur musicien?
Un ordinateur peut-il comprendre la musique? Peut-il générer de nouvelles formes musicales crédibles? Plus concrètement, quels modèles permettent de réifier le style, ce qui caractérise l’essence d’un compositeur? Quel serait un test de Turing pertinent pour la musique? J’aborderai ces questions à travers divers exemples de modélisation musicale réalisés dans le projet Flow-Machines, dans le domaine de la composition, l’harmonisation et l’arrangement.

Andràs PALDI: Information et épigénétique
La notion d’information occupe une place centrale dans le cadre conceptuel de la génétique. Elle est supposée être contenue dans les gènes, assurer le lien unidirectionnel entre le génotype et le phénotype et jouer le rôle de force organisatrice du vivant. Mais cette vision des choses est de plus en plus difficile à tenir à la lumière des récentes découvertes habituellement réunies sous le nom d’épigénétique. En effet, ce nouveau tournant de la biologie met en cause l’unidirectionnalité du rapport génotype/phénotype et invite le hasard dans la création de l’information au cours du développement de l’organisme. Est-il alors possible et nécessaire de conserver la notion d’information héréditaire et de tenter de l’ajuster aux nouvelles connaissances ou devons-nous l’abandonner, puisque devenue inopérante? Nous allons examiner les deux options.

Kavé SALAMATIAN: L’informatique et la tentation de Babel
Ces 20 dernières années, l’informatique a changé de rôle. Auparavant principalement un outil pour répondre aux besoins d’autres disciplines, l’émergence de l’Internet et l’accès massif aux données ont changé la donne. L’intermédiation de l’information devient l’élément central et structurant de thématiques qui avaient alors leurs propres structures conceptuelles et méthodologiques. Cela pose de nombreux problèmes épistémiques et éthiques, car la nouvelle place de l’informatique aboutit à un changement de nature de ces domaines qui se trouvent ainsi colonisés, voire inféodés. Ce phénomène est déjà en cours, en particulier en sociologie et en biologie. Ainsi l’informatique apparaît comme une renaissance du mythe de la tour de Babel, une langue unique qui répondrait à tout. Mon intervention tend à décrire ce phénomène et les risques qui en découlent par plusieurs exemples, relatifs à la biologie et aux sciences sociales, issus de mon expérience de chercheur multidisciplinaire.

Véronique SERVAIS: Évolution de la communication sociale
Cette communication présente un ensemble de travaux et d’hypothèses sur l’évolution de la communication sociale, en proposant en pointillés une phylogenèse des "formes élémentaires de la socialité" (Fiske, 1992). Je ferai l’hypothèse que les modèles de relation qu’on trouve dans le monde animal (dominance, compétition, affiliation, dépendance, échange...) sont des formes stables à  envisager dans une perspective évolutive et développerai trois cas: la coopération, la phylogenèse du rire et du sourire et la dépression vue par la psychiatrie évolutionniste.

Ana SOTO: Vers une théorie des organismes
La théorie de l’évolution est la seule théorie globale en biologie. Le manque d’une théorie opérationnelle pour expliquer l’organisation et le comportement de la matière vivante chez les organismes unicellulaires et multicellulaires gêne le progrès de la science biologique. Une telle théorie devrait aborder les cycles de vie, de l’embryogenèse jusqu’à la mort. Cette théorie compléterait la théorie de l’évolution et proposerait des extensions théoriques aux principes physiques établis. Nous proposons d’adopter: 1) l’état par défaut implicite dans la théorie de Darwin, à savoir la prolifération cellulaire, qui génère la variation, plus la motilité; 2) un principe cadre: les phénomènes vitaux se manifestent par des itérations non identiques d’un processus de morphogenèse. Dans cette perspective, l’organisme devient une conséquence de la variabilité inhérente produite par la prolifération, la motilité et l’auto-organisation. La morphogenèse serait alors le résultat de l’état par défaut et des contraintes physiques, comme la gravité et celles générées par les organismes, comme la tension musculaire.

Ana M. Soto is a professor in the Department of Integrative Physiology and Pathobiology at Tufts University School of Medicine, in Boston, MA. She works on theoretical issues arising from the study of complex biological phenomena. In collaboration with Professor Carlos Sonnenschein, she co-authored a book entitled The Society of Cells (Bios-Springer-Verlag, 1999), posited that the default state of cells in all organisms is proliferation, and proposed the Tissue Organization Field Theory of Carcinogenesis, in which cancer is viewed as development gone awry. As the incumbent Blaise Pascal Chair in Biology, she co-ordinates a multidisciplinary working group devoted to the elaboration of a theory of organisms.

Régine VIGNES-LEBBE: Langage naturel, langage formel et description du vivant
L’informatisation des données descriptives en systématique a débuté dans les années 80, suscitant, au-delà des objectifs de stockage et de traitement des informations sur les phénotypes, un travail d’analyse et de formalisation sur les concepts descriptifs. Cette traduction du langage naturel des experts en langage formel concerne ce que nous "mesurons" sur le vivant: réalité de ces caractères, ou choix de codage pour transmettre l’information retenue pertinente pour d’autres acteurs?

Cédric VILLANI: Statistiques, sens et évolution
La recherche de la meilleure solution dans un contexte de très grands espaces des possibles a connu deux révolutions majeures dans les 20 dernières années: d’une part, le perfectionnement des méthodes de MCMC (Monte Carlo Markov Chain), qui ont bouleversé des sujets aussi divers que la reconstruction phylogénétique ou l’étude géométrique des protéines; d’autre part, les techniques d’Apprentissage Machine, qui ont fait faire des bonds de géant à la traduction automatique, la détection de signaux complexes ou la classification de comportements d’usagers. Sans prétendre à une quelconque exhaustivité, passons en revue les forces, faiblesses, principes directeurs et espoirs associés à ces méthodes.

Heinz WISMANN: D'où vient la notion de fonction?
L’idée de fonction, opposée à la catégorie courante de substance, émerge au XIIIe siècle, bien avant son interprétation mathématique, dans le cadre des litiges concernant la succession de certains dignitaires de l’Église. Garantissant la pérennité des obligations contractées à un moment donné, la formule dignitas non moritur, préfigurait ainsi la conception, en droit profane, de la personne morale, qui héritait de son modèle religieux le nom parlant de corporatio, une appellation qui s’est maintenue jusqu’à nos jours, notamment dans le monde anglo-saxon. C’est à ce même postulat théologique d’une fonctionnalité inaltérable présente au cœur du monde changeant des phénomènes physiques que se réfère Galilée quand il caractérise le formalisme mathématique des lois de la nature comme reflet fidèle de "l’encodage divin de la création". Cette source est aujourd’hui perdue de vue. Cela nous prive sans doute d’un moyen précieux de rendre compte des constructions métaphoriques qui sous-tendent les stratégies de légitimation de la recherche scientifique. Cela vaut plus particulièrement pour les sciences de la vie, qui doivent se frayer leur chemin entre différentes acceptions, plus ou moins compatibles, de la notion de fonction vitale. En plaçant celle-ci dans la perspective historique des avatars conceptuels de la fonction, on aura éventuellement la chance d’y voir plus clair.

Joseph ZACCAI: Force et mouvement dans la transmission de l'information biologique
Au premier degré, l'information génétique est codée dans des séquences nucléotidiques d'ADN qui seront lues et interprétées par la cellule pour former des protéines actives. On peut s’interroger sur où, au niveau physico-chimique, réside cette information, et sur la manière dont elle s’exprime. Une protéine, pour être active, nécessite non seulement la "bonne structure", mais aussi les "bons mouvements". Une partie importante de l’information est donc constituée par la dynamique: les forces moléculaires sous-jacentes à la formation des structures et des mouvements dans un environnement particulier.

Avec le soutien
du Centre national de la recherche scientifique (CNRS),
du Commissariat à l'énergie atomique (CEA),
de l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA),
de la Délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF),
et d'Électricité de France (EDF)

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