EVOLUTIONS
MICHEL
SALOFF COSTE
SAN
DIEGO CALIFORNIE 2013 01 01
« Quand on considère cette incroyable aventure du
passé, comment penser que l'aventure du futur serait moins incroyable ? Quand
on pense qu'à chaque étape de ce passé l'étape suivante était inconcevable,
impossible à imaginer comme à prédire, comment ne pas penser qu'il en ira de
même pour notre futur ? » Edgar Morin
« Nous étions 50% d’agriculteurs à la fin de la
guerre et ils ne sont plus que 1%. Pendant ma vie humaine, et c’est unique dans
l’histoire, la population mondiale a doublé deux fois ! Quand je suis né,
on était 2 milliards, on est 7 milliards aujourd’hui. Dans la même période,
l’espérance de vie a triplé. C’est tout cela que l’on ne voit pas. » Michel Serres
Pourquoi
y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?
Le monde est-il donné une fois pour toutes ou
au contraire est-il en évolution ?
Quelle est la place de l'homme et son rôle
dans le cadre de cette évolution ?
Le changement et l'histoire sont-ils purement
hasardeux et chaotiques ou ont-ils un sens ?
Autant de questions qui, de tout temps, ont
enflammé les esprits des hommes, alimenté les débats philosophiques et
structuré les croyances religieuses.
Des cultures entières, des civilisations, sont
nées, se sont développées et effondrées en fonction de leur réponses, plus ou
moins pertinentes, à ces questions.
Des positions inconciliables, parfois
totalitaires, ont débouché sur des inquisitions, des persécutions, des guerres.
Des millions d'êtres humains continuent de
croire aveuglément encore en des représentations depuis longtemps invalidées et
cela même dans les pays les plus "modernes" comme le montre le débat sur
le créationnisme en Amérique.[1]
Les sociétés modernes et postmodernes, avec
leurs actualités tourbillonnantes et superficielles, semblent refouler et
évacuer ces grandes questions. Cependant elles remontent symptomatiquement et
de manière caricaturale dans une multitude de discussions de détails aussi
violentes qu’apparemment futiles. Ce brouhaha sociétal, où les croyances les
plus irrationnelles du passé se mélangent aux arguments de la raison, crée un
vaste rideau de fumée.
Pourtant, pour la première fois dans
l'histoire de l'humanité, le développement et l'élargissement extraordinaires
de nos moyens d'observations scientifiques dans le temps et l'espace nous
donnent des réponses nouvelles !
Le destin de l'humanité et du monde apparaît
aujourd'hui sous des angles inattendus.
L'identité de l'humanité en sort profondément
transformée. Paradoxalement cette métamorphose se fait dans le plus grand
silence médiatique, comme si ces changements étaient tellement immenses que
personne ne puisse en parler !
Dans ce modeste article j'aimerais souligner
certains points de vue hétérodoxes qui remettent en causes nos a priori philosophiques, ontologiques et
même téléologiques millénaires en renouvelant radicalement notre vision de la
place de l'homme dans le cosmos et sur Terre !
J'aimerais vous faire partager la conviction
que ces dévoilements inouïs figurent sans doute parmi les événements les plus
importants et significatifs de toute l'histoire de l'humanité.
Il serait futile et fastidieux de vouloir
résumer dans ces quelques pages les centaines de livres et les milliers
d'articles scientifiques qui aujourd'hui nous amènent à ces considérations.
J'imagine que cette bibliographie est connue des lecteurs de ce livre !
Je vous propose d'aller droit au but et
d'illustrer symboliquement à travers une "bonne" et une
"mauvaise" nouvelle ce qui me semble émerger d'essentiel dans
l'évolution du regard des sciences contemporaines sur l'histoire du cosmos et
l'avenir de l'humanité.
Première
partie : Une bonne nouvelle venue du cosmos
Pour la première fois nous sommes capables
aujourd'hui de reconstituer en détail l'évolution de notre univers : "big
bang", vaste nuage d'hydrogène, première génération d'étoiles avec des
composés relativement simples ; deuxième génération d'étoiles avec des composés
plus complexes comme le carbone ; apparition d'organismes unicellulaires ;
développement et diversification des organismes multicellulaires. Finalement,
après plusieurs effondrements massifs de la biodiversité, émergence et
expansion de la conscience à travers des formes de vie de plus en plus complexes
et apparition de la conscience de la conscience avec l'homme !
Quelle créativité !
La découverte du big bang nous invite aussi à
penser au-delà de notre horizon d'observation et dans le cadre d'un cosmos
infini. Le big bang de notre univers n’en constitue sans doute qu'un parmi une
infinité de big bangs et donc d'univers possiblement différents les un des
autres, se déployant chronologiquement dans le temps et parallèlement dans
l'espace[2].
Par contraste, lorsque je suis né, il était
habituel de penser que notre univers était éternel, immuable et donné une fois
pour toute comme une sorte de toile de fond minéral aux espèces vivantes et à
l'homme "moderne", seul capable d'évoluer et de progresser !
Une bonne nouvelle "radicale" me semble
avoir totalement transformé notre vision du monde : notre univers et au sens
large le cosmos est infiniment créatif, évolutif et porteur de sens. Il est
capable à partir d'un vaste nuage d'hydrogène de donner naissance à des girafes
et des tapirs mais aussi à Shakespeare et à Mozart et cela sans doute, de
manière différente et infiniment créative, dans des milliards de galaxies et
d'univers.
Le spectacle que nous révèlent pour la
première fois nos télescopes géants est non seulement esthétiquement magnifique
mais aussi grandiose en termes d'échelle, de temps, d'espace ! Le soleil ne
représente qu'un grain de sable à l'échelle de la voix lactée de notre galaxie
qui elle-même ne représente qu'une poussière à l'échelle de l'univers. Nos
croyances et nos rêves les plus fous se révèlent bien étriqués face à la
réalité que nous révèle notre découverte de l'univers.
Le fait que l'univers tout entier montre une
constante évolution créative vers plus de complexité et d'intelligence nous
laisse supposer que de nombreuses autres formes de vie et d'intelligence soient
en train d'évoluer dans les milliards d'autres galaxies.
Philosophiquement il nous faut sans doute
penser le cosmos comme espace et temps infini, création et évolution infinie
non seulement de la matière et de l'énergie mais aussi de l'information et de
la conscience[3]
!
La
possibilité du jaillissement de la vie et de la conscience partout dans
l'univers et cela bien au-delà des limites et des contraintes terrestres et
humaines, constitue sans doute l'information la plus importante que l'homme
doit intégrer aujourd'hui. Cela remet en cause l'homo-centrisme qui préside à
nos philosophies et religions. Mais cela nous donne aussi l'immense espoir que
nos aspirations vers plus de sens et de conscience puissent être portées bien
au-delà de nos limites terrestres et humaines.
Cela est
une extraordinaire bonne nouvelle !
L'humanité
n'est plus isolée dans son aventure vers plus de conscience et de sens, perdue
au milieu d'un vaste univers inerte et minéral. Au contraire, des milliers d’autres
formes de vies et de consciences, sans doute encore plus évoluées, existent et
assurent, au-delà des limites terrestres et humaines, la pérennité de
l'aventure de la vie et de la conscience.
Notre conscience dont nous nous montrons si fiers
ne représente sans doute qu'une des formes intermédiaires parmi une multitude
de formes de conscience, plus ou moins larges et complexes. D'une certaine
manière le Cosmos lui-même peut être considéré "conscience" comme
nous invite à le penser les Upanishads, un des textes les plus anciens de
l'humanité : « As is the human mind, so is the cosmic mind. As is the microcosm, so is the macrocosm. As is the atom, so is the
universe! »- Upanishads
Nos
aspirations et nos rêves les plus grandioses d'expansion de la vie et de la
conscience ne constituent sans doute que des reflets bien ternes et limités de
formes de vie actuellement en développement dans notre galaxie et dans les
milliards d'autres galaxies.
La tête dans les étoiles
C'est une
véritable révolution, encore plus profonde que celle de Copernic. Non seulement
nous ne sommes plus le centre du monde topographiquement, mais nous sommes
aussi obligés de remettre en cause notre "homo-centrisme", notre
centralité ontologique en tant que seuls êtres "pensants" et
"conscients de la conscience" dans l'univers.
Cette
thématique alimente la littérature dite de "science-fiction" qui
apparaît comme une tentative humaine parfois maladroite, mais souvent aussi
originale, de penser notre nouvelle identité au milieu de formes de consciences
différentes.
D'une
certaine manière nous sommes enfin déchargés de la responsabilité immense, et
sans doute démesuré pour nos fragiles épaules, de porter "le monde"
au sens ontologique et eschatologique.
D'autres
points de lumières existent même si nous disparaissons. Même si nous nous
égarons, d'autres formes de vie et de conscience pourront trouver le chemin.
Bien plus profondément l'aventure humaine avec la conscience qui la caractérise
et qui nous tient tant à cœur, semble en quelque sorte inscrite au cœur même du
cosmos dans son devenir le plus intime, encore, encore et encore !
Sous nos
yeux éblouis, dans le ciel étoilé qui se dévoile immense et mystérieux, la
victoire de la lumière et de la conscience est inscrite, en lettres d'or
éternelles, au cœur de la créativité infinie du cosmos.
Les dieux
divers, que nous avons projetés sur cette voûte étoilée énigmatique pour animer
sa minérale indifférence et donner un semblant du sens à nos vies apparemment
absurdes, sont aujourd'hui démasqués mais aussi "transfigurés" par la
révélation du cosmos comme conscience et création infinie.
Nous
sommes des poussières d'étoiles !
Cependant
à l'échelle humaine nous sommes bien loin de pouvoir franchir physiquement les
espaces et les temps dans lesquelles s'opère le "jeu" cosmique. La
fantastique danse des galaxies que nous révèlent nos télescopes s'effectue sur
des distances infranchissables et sur des échelles de temps où une vie humaine
est aussi insignifiante qu'éphémère. Nos frères et sœurs de conscience
apparaissent dispersés sur des espaces immenses et inatteignables dans le cadre
étroit de nos vies humaines.
Pourtant
nous languissons tant de "les" connaître que nous croyons déjà les
voir partout, venus d'ailleurs, dans de fulgurantes soucoupes volantes
paradoxalement aussi insaisissables que populaires !
Les
échelles de temps et d'espace de l'évolution cosmique nous obligent à beaucoup
de modestie, y compris sur Terre. De même que nous n'avons pas connu la grande
majorité des espèces terrestres passées et notamment les glorieux dinosaures
qui ont dominé la Terre pendant des millions d'années, il nous est bien difficile
d'imaginer et de connaître dans quelques millions d'années les espèces qui nous
remplaceront un jour sur cette Terre et qui nous surpasserons sans doute en
intelligence.
L'infiniment
grand nous renvoie en miroir aux limites étroites de nos vies : infiniment
courtes et infiniment immobiles. Nos rêves de pouvoir, notre agitation
perpétuelle, nos guerres fratricides et absurdes apparaissent aussi sympathiques
et insignifiantes que l'agitation multicolore des poissons exotiques et
amnésiques tournant en rond dans le petit aquarium d'une chambre d'enfant.
Comment donner du sens à notre nouvelle
condition humaine ?
La pleine
conscience de notre conscience forme sans doute une voie pour nous connecter à
la conscience cosmique. Alors nous pouvons découvrir que le temps, l'espace et
les différents niveaux d'échelle revêtent bien peu d'importance dans la mémoire
infinie du cosmos. Un instant est une éternité ! Il n'y a "rien" qui
soit assez petit pour ne pas compter dans l'infinie grandeur du Cosmos. Ce qui
compte est de poser l'acte créatif juste d'instant en instant. En nous reliant
à la conscience cosmique, nous pouvons devenir à notre niveau d'échelle créateur
en harmonie avec le cosmos, et en quelque sorte vivre à notre niveau d'échelle
l'impulsion créative du cosmos. Chacun de nos actes lorsque il est posé en
conscience, nous relie a l'infinie. Nous sommes l'infini.
And those who were seen dancing were
thought to be insane by those who could not hear the music! - Friedrich
Nietzsche
Il va
nous falloir effectivement beaucoup d'inspiration et d'optimisme venus du
cosmos pour faire face à notre situation sur Terre qui par ailleurs est
profondément remise en question.
Seconde partie : Une mauvaise nouvelle
venue de la Terre.
Pour la première fois dans l'histoire de
l'humanité, nos impacts systémiques démultipliés nous rendent responsables
localement à court terme d'enjeux globaux à long terme.
De même
que l'histoire de l'univers se dévoile à nous, nous découvrons mieux que jamais
nos origines préhistoriques et tous les détails de l'évolution humaine sur Terre.
Nous disposons désormais de suffisamment de données quantitatives pour dépasser
l'histoire purement événementielle, aléatoire et anecdotique. Nous pouvons
comprendre les grandes étapes de notre passé sous l'angle d'une évolution
structurelle et logique. Cela nous permet de parvenir à une bien meilleure
compréhension de notre futur et de ses enjeux[4].
L'histoire humaine s'accélère
Il y a
environ un million d'années nous apparaissons en tant qu'espèce dans la famille
des grands mammifères. Nous nous distinguons par le volume de notre cerveau,
par notre capacité à sortir de notre niche écologique et à explorer la planète,
à nous adapter à tous les climats, à chasser en bande, à inventer des pièges,
des outils et des signes. Par notre habileté à la chasse et à la cueillette il
semble que, dès cette époque, nous avons un impact significatif et mesurable
sur notre environnement végétal et animal. Nous ne sommes pourtant que quelques
millions dispersés sur toute la surface de la Terre.
Il y a
environ 10 000 ans commence la période dite historique avec le développement de
l'écriture, de l'agriculture et de l'élevage. Les empires égyptien, indien,
mongol, chinois, grec, romain, chrétien et arabe structurent de vastes
territoires et les premières villes apparaissent. En quelques milliers d'années
nous déboisons plus de la moitié des terres cultivables de la planète.
En 1850
nous sommes devenus un milliard. Grâce au crédit bancaire et à l'exploitation
des énergies fossiles, l'industrie se développe considérablement. Les émissions
de CO2 et l'exploitation massive des ressources minérales
commencent. En 1900, en France par exemple, plus de la moitié des emplois sont
créés dans le secteur industriel. En quelques décennies nous détruisons un
tiers de la biodiversité et la moitié de certaines de nos ressources minérales.
Nous transformons de manière mesurable notre atmosphère et la température de la
planète.
Aujourd'hui
nous sommes sept milliards, la pollution tue des milliers de personnes chaque
année[5].
Du fait de la surexploitation des terres et des mers, nous assistons à un
effondrement rapide de la biodiversité et à la mise en danger de nos capacités
de production alimentaire agricole et océanique. Le climat tout en devenant de
plus en plus chaotique se réchauffe beaucoup plus rapidement que prévu. Alors
que nous pensions pouvoir stabiliser le réchauffement à 2 degrés d'ici la fin
du siècle, il est maintenant prévisible que nous dépassions 3 à 4 degrés d'ici
2050 et possiblement 6 à 8 degrés d'ici la fin du siècle. Cela signifie une
transformation très profonde de notre biosphère, une montée significative du niveau
marin, une destruction massive de notre biodiversité et une précarité
croissante pour des milliards d'êtres humains à travers des crises économiques,
sociales et écologiques d'ampleur mondiale aboutissant à des génocides et la
possible disparition de l'humanité !
Trente années de misères croissantes
Après les Trente Glorieuses qui se sont fracassées
à la fin des années 70 sur le premier choc pétrolier, nous avons connu 30 ans
durant lesquelles nous nous sommes en Europe enfoncés de plus en plus profondément
dans une vaste crise économique, sociale et écologique.
Economique, car la démographie et donc la
croissance butent déjà sur les limites de la planète et de nos ressources.
Sociale, car les inégalités se creusent dans les périodes de pénurie. Les
clivages entre riches et pauvres sont en train de redevenir ce qu'ils étaient
au XIXe siècle avant la révolution industrielle. Enfin la crise est
écologique avec la pollution de la biosphère, la mise à mal de la biodiversité
et le réchauffement planétaire.
La droite, dans sa volonté de libérer l'initiative,
reste enfermée dans une idéologie néolibérale trop peu sensible à la dislocation
sociale et à la gravité de la crise écologique. Elle s'accroche à la croissance
temporaire et illusoire des économies des pays développés comme seul moteur du
développement sans proposer de véritable solution structurelle à la crise
économique, sociale et écologique.
La gauche a épousé les luttes des minorités vers
plus de liberté mais a laissé se déliter l'ancien contrat social sans en
proposer de nouveau. La classe moyenne en ressort aujourd'hui précarisée et
appauvrie, tandis que la misère engloutit les plus pauvres.
Les écologistes, depuis les années 70, n'ont cessé
d'alerter les populations sur les risques environnementaux et les limites
intrinsèques de la planète. Défenseurs des espèces en voie de disparition, ils
connaissent quelques difficultés à proposer un projet économique et social
crédible, enthousiasmant et convaincant pour les êtres humains ! L'importance croissante
et réelle des problèmes écologiques, tout en leur donnant une légitimité
renouvelée, les a confrontés toujours plus à leurs lacunes en termes de projet
sociétal et à leur difficulté à élargir leur audience.
Les forces politiques, qu'elles soient de droite,
de gauche ou même écologiques, sont demeurées dans une grande mesure enfermées
dans une vision réductionniste et mécaniste. Cependant la crise actuelle remet
en cause les bases mêmes de notre pensée. Einstein explique très bien cette
problématique lorsqu'il souligne qu'on ne peut résoudre un problème à
l'intérieur même du système de pensée qui l'a produit.
Une
crise inédite : comment
rester sur Terre !
La crise systémique sociétale que nous traversons
est structurelle. Aucune des traditionnelles « recettes politiques » que nous
connaissons déjà (libéralisation des marchés, redistribution sociale,
préservation marginale de la nature) ne peut répondre à l'ampleur de la
problématique.
Nous avons besoin d'une nouvelle épistémologie
politique, basée sur les recherches transdisciplinaires les plus avancées en
philosophie, sciences économiques, sociales et technologiques, à partir d'une
approche systémique, holistique et intégrale.
Nous pouvons imaginer un nouveau système
économique, social et écologique qui articule le long, le moyen et le court
terme de manière vertueuse ; un espace cognitif où science, art et spiritualité
aient leur place dans une véritable culture laïque et intégrale du
développement humain.
Tel est le projet d'une véritable politique de
civilisation.
Au
vingtième siècle notre challenge a été d'aller sur la lune, au vingt-et-unième
siècle notre challenge, sans doute bien plus difficile encore, est de rester
sur Terre !
Le piège du pétrole
Il s’avère
paradoxal et ironique que notre réussite face à toutes les autres espèces
animales soit venue de notre capacité à créer des pièges de plus en plus
sophistiqués et que nous soyons peut être appelés à disparaître dans une sorte
de gigantesque piège créé par nous-mêmes à l'échelle de la planète.
Comme
dans un piège nous sommes attirés par une ressource, "le pétrole",
mais comme dans un piège aussi lorsque nous prenons conscience du danger il est
impossible de faire marche arrière !
Notre
civilisation tout entière est basée sur le pétrole. Le pétrole, "l’or
noir", se trouve au centre des grands enjeux capitalistiques,
géopolitiques et planétaires d'aujourd'hui et de demain. Même une économie
verte, basé sur le recyclage total et sur une gestion optimisée des ressources
grâce aux technologies de l'information, a besoin d'énergie !
La
croissance, le développement industriel, le PIB est directement corrélé avec
l'offre énergétique et plus particulièrement avec le cœur de cette offre, la
source la plus pratique et maniable à ce jour : le pétrole[6].
Le
pétrole fournit aujourd'hui encore 90% de l'énergie de nos transports et
représente la première source d'énergie de l'industrie et de l'agriculture.
Dans le contexte de notre mixte énergétique actuelle, le peak oil, c'est à dire le plafonnement de la production de pétrole,
signifie la fin de la croissance et une lente décroissance à mesure que la
production va s'effondrer.
Cependant
malheureusement si le flux de la production de pétrole en plafonnant est
incapable d'alimenter notre croissance, en revanche le CO2 diffusé
par ce flux (pourtant restreint) est suffisant, en s'accumulant durablement
dans l'atmosphère, pour générer désormais un effet de serre et un réchauffement
climatique susceptibles à terme de déréguler l'ensemble de notre écosystème,
nous anéantir et détruire la plus grande partie des animaux et des végétaux[7].
Nous
savons depuis longtemps que notre dépendance au pétrole est dangereuse. Depuis
longtemps nous cherchons des énergies alternatives et cela parfois de manière
très coûteuse et dangereuse. Cependant l'impact reste, même à moyen terme,
marginal du point de vue du mixte énergétique planétaire. Le nucléaire,
l'éolien et le solaire sont complémentaires au pétrole mais restent secondaires
en termes de pourcentages dans le mixte énergétique mondial, et leur potentiel
de développement reste insuffisant à court terme du faite de l'ampleur des
infrastructures à mettre en place, de l'importance des capitaux à investir et
des délais de finalisation.
Malgré le
plafonnement annoncé de la production de pétrole, des prix qui s'envolent, une
situation géostratégique des ressources précaires et des risque écologiques
planétaire majeurs, nous n'avons pas de plan de transformation réelle de notre
modèle énergétique dans les trente ans à venir et nous ne connaissons aucune
source d'énergie de substitution crédible permettant de répondre rapidement et
écologiquement à la demande de sept milliards d'êtres humains en pleine
croissance et développement[8]
! Nous sommes obligés de nous rabattre sur des sources d'énergie encore plus
polluantes et controversées comme les schistes bitumineux, le gaz de schiste ou
le charbon.
L'espèce
humaine est jeune sur l'échelle de vie d'une espèce. Il serait triste que nous
disparaissions prématurément en détruisant complètement notre magnifique
écosystème du fait, paradoxalement, de notre trop grande et fulgurante réussite
parmi toutes les espèces vivantes sur la Terre.
Notre
réussite, notre croissance en termes de population et de PIB, est directement
corrélée et liée à l'exploitation d'une ressource non renouvelable et
polluante, le pétrole. Nous avons su inventer cette civilisation basée sur le
pétrole et elle nous a permis un développement exceptionnel et historiquement
incomparable. Serons-nous capables de survivre aux effets délétères et pervers
d'un modèle de développement à bout de souffle ?
Pourrons-nous
faire marche arrière et trouver une évolution future viable pour tous ?
Rien
n'est moins sûr.
Les
sommets de chefs d'Etat autour des enjeux climatiques depuis plus de vingt ans ne
constituent que des cache-misère où chacun (tout particulièrement les
principaux acteurs) vient officiellement réaffirmer son droit inaliénable à
polluer et a émettre toujours plus de CO2 au nom du besoin, vital
pour l'économie, de la croissance du PIB. Ces sommets qui devaient à l'origine
apporter des solutions planétaires et réassurer notre bien commun le plus
précieux, notre avenir collectif à long terme, ne font au contraire que mettre
en scène des intérêts égoïstes à court terme de chaque nation et la
programmation assumée de la destruction à moyen terme de la biosphère
planétaire et de l'humanité.
Comment
en serait-il autrement puisque les diplomates autour de la table sont mandatés
par leur pays pour défendre leur intérêt local et à court terme et que personne
n'est là pour représenter le long terme, la biosphère et l'humanité ?
Gouvernance planétaire et montée des
extrêmes
L'humanité
se révèle aujourd'hui sans défense et sans gouvernance, face à des enjeux qui
l'interpellent dans sa capacité d'unité et de devenir collectif. Les peuples,
dans le monde entier, y compris dans nos démocraties dites avancées, sont
séduits de plus en plus par des discours populistes simplistes de repli
identitaire, intégriste et totalitaire alors que les enjeux planétaires réclament
ouverture, dialogue, remise en question et transformation de nos modèles
d'évolution.
L'accès
aux ressources essentielles, la terre, l'eau, l'air, devient de plus en plus
problématique. Elles sont sources de conflits, de plus en plus difficiles à
gérer partout dans le monde et le pétrole, lui, reste l'ultime joker
incontournable de la puissance et du déploiement armé.
L'effondrement
de la croissance remet en cause nos économies basées sur le crédit, rend nos états
insolvables, déstructure le contrat social de nos sociétés, mais rend aussi
difficile le financement, pourtant stratégique, d'une transition vers un
nouveau modèle économique social et écologique.
Les
politiques de transition vers un nouveau modèle butent sur l'incapacité des
politiques politiciennes partisanes de sortir du court terme et de l'agitation.
Nous
risquons des guerres entre les grands continents afin d'accéder aux ressources
alimentaires, minières et énergétiques. Mais nous risquons aussi l'apparition
de guerres civiles au sein des continents eux-mêmes, liées au désarroi, à la
polarisation de la société civile entre des positions traditionalistes et
révolutionnaires et à l'extrémisme des positions politiques, comme on le voit
aux Etats-Unis entre les mouvements Occupy
and Tea Party et au Moyen Orient
entre les intégristes traditionalistes et les révolutionnaires modernistes.
Dans le
monde entier se superposent de manière complexe et imbriquée des luttes
souterraines ou affirmées : les luttes entre états pour élargir leurs zone
d'influences, accéder aux ressources non renouvelables et si possible
sanctuariser le territoire national par un parapluie atomique ; les luttes
entre cultures et religions pour élargir leur audience et assurer une domination
régionale ; les luttes économiques et monétaires afin de maîtriser les chaînes
de créations de valeur et de capitalisation ; les luttes pour contrôler
l'information et être précurseur en termes d'innovation.
L'humanité
est en guerre contre elle-même depuis les premiers combats entre tribus il y a
plusieurs millions d'années. Mais ces guerres incessantes sont aujourd'hui incompatibles
avec la bonne gestion et la survie de notre espèce sur cette planète !
Dans un
premier temps, plutôt que des évolutions, nous risquons de voir des régressions
comme cela a été observé chaque fois que l'humanité a été confrontée à une
transformation majeure. Souvent les forces traditionalistes et révolutionnaires
se mélangent dans des populismes simplistes et totalitaires qui occupent le
terrain de manière absurde, sanglante et brutale. Quelques millions de morts
après (cette fois-ci sans doute quelques milliards), une fois l'ancien monde
détruit, l'espace est libéré pour inventer un nouveau monde ! Cela a été, toute
proportion gardée, le scénario auquel nous avons assisté lors de la dernière
guerre mondiale. Mais cette fois-ci, aurons-nous la chance d'un second temps :
la situation écologique ne sera-t-elle pas alors désespérée et irréversible ?
L’espoir
au bout des ondes
A l'aube du troisième millénaire, chacun de nous
peut ressentir à des degrés divers l'ère des bouleversements dans laquelle la
planète tout entière est plongée. Mais c’est aussi une période charnière
où tout est possible pour l’émergence d’une humanité nouvelle qui s’élève en
conscience.
Après le siècle des Lumières, le siècle de
l’industrie et du commerce, nous assistons au développement croissant de la
création, de l'innovation et des moyens de communication. Dans le monde entier
nos pensées s'échangent d’une manière invisible, virtuelle, mais arrivent à
opérer des changements réels et concrets. Avec les nouvelles technologies de
l’information, l’humanité est connectée en permanence. Le web, le cloud computing,
l’intégration des systèmes et des réseaux forment comme des neurones qui
répondent aux stimulations constantes des être humains en formant un nouveau
système nerveux planétaire.
Dessine-moi
une humanité
Même si nul ne peut ignorer le défi du futur,
l'absence de visions prospectives interdit aux individus comme aux groupes, aux
institutions publiques comme aux entreprises, de bâtir projets et stratégies. De nombreuses initiatives locales
émergent cependant en l'absence de scénarios prospectifs dans lesquels
s'inscrire. Elles peinent à gagner en visibilité et à se démultiplier.
Un repérage et une mise en circulation des
informations mettant en évidence la réalité d'une mutation planétaire, en
identifiant clairement ses caractéristiques, peut nous aider à en prendre la
juste mesure et à nous y préparer. Pour la première fois chacun de nous en a
les moyens grâce à Internet.
Lever ce voile d'ignorance et d'incertitude
constitue une œuvre d'intérêt public. Il est impératif de rendre à l'individu
et à la société la capacité de se projeter dans l'avenir, de rêver le futur
pour pouvoir le faire naître.
Les enjeux du futur sont complexes et leur
appréhension nécessite une grande ouverture d'esprit, impliquant un dépassement
des spécialités et des partis-pris.
Seul un affranchissement des structures confinées
de la pensée conventionnelle peut nous permettre d'aborder avec un esprit
créatif les enjeux de demain.
L'exercice du futur requiert une pensée
transversale, globale, qui fait appel à tous les champs de la connaissance et
de l'expérience humaine, pour les mettre en situation de se confronter,
d'échanger, de se féconder réciproquement.
Les transformations nécessaires de nos sociétés
impliquent une évolution substantielle de notre maîtrise de l'intelligence
collective. Nous devons travailler au développement de l'intelligence
collaborative, faire émerger, utiliser, promouvoir et encourager les pratiques
qui permettent aux disciplines académiques, aux secteurs professionnels, aux
cultures et aux peuples de se rencontrer.
Ces défis nous imposent d’innover et constituent
une opportunité sans précédent pour conjuguer nos forces, collaborer et
engager ensemble des évolutions intelligentes.
Embarquement
vers le futur
Nous avons lors du siècle précédent appris à
comprendre notre passé et à anticiper notre futur. Les problématiques
auxquelles nous sommes confrontées aujourd'hui ont été anticipées dès les
années 70 avec déjà une certaine précision : la population croissante, le
plafonnement des ressources, le réchauffement climatique, parmi d’autres.
Nous avons pu vérifier notre capacité à anticiper
le futur et nous avons pu améliorer et développer des méthodes de plus en plus
robustes et précises. Il est possible de prévoir avec de plus en plus de
précision le futur grâce aux masses considérables d'informations que fournit
aujourd'hui Internet. Mais la prospective ne consiste pas simplement à
anticiper le futur et les scénarios les plus probables, la prospective consiste
aussi à imaginer des futurs possibles. Les scénarios les plus probables ne sont
pas toujours les plus souhaitables, et l'apport le plus précieux de la
prospective est de nous donner un temps d'avance pour orienter stratégiquement
l'action dans un sens désirable.
Dans le contexte planétaire d'aujourd'hui le
scénario le plus probable, si on laisse se dérouler les événements dans la
logique actuelle, présente de grands risques pour l'humanité.
Comme le jardinier peut pratiquer une taille de
restructuration sur un arbre, l’homme doit se raisonner et élaguer des
habitudes devenues inadaptées pour permettre à l’humanité de survivre et
s‘épanouir dans toute sa splendeur.
Quel
mode d’emploi ?
Que faut-il faire pour éviter le scénario
catastrophe, de plus en plus documenté mais aussi malheureusement, de plus en
plus probable du fait de notre inertie ?
La première condition est de ne pas se laisser
enfermer dans l'irrémédiable. Il est important de bien mesurer et comprendre le
danger mais aussi les possibilités d'évolutions et de création que suscite une
crise de cette ampleur. L'humanité bénéficie d'un niveau d'éducation et des
moyens de communication sans précédent pour créer et innover collectivement. Il
est vital que les personnalités les plus créatives dans tous les domaines, se
rencontrent, échangent et élaborent des solutions et des scénarios alternatifs
convaincant et solides. Sur ces sujets une réflexion bouillonnante s'est
développée dans le monde depuis une trentaine d'années. D'abord très marginale,
elle a touché les milieux intellectuels de la recherche et les think tanks
de prospectives, puis elle a commencé à se répandre dans certaines universités
de pointe. Les livres sur le sujet se sont multipliés. Depuis une quinzaine
d'années ces réflexions donnent lieu à des congrès et débats internationaux de
formats et de sensibilités divers. On a vu apparaître au-delà des débats
théoriques des tentatives de mise en pratique avec bien entendu des succès très
variables. Plus récemment le cinéma et même la télévision se sont emparés du
sujet.
A mesure que les informations s'échangent on voit apparaître
un consensus et une compréhension de plus en plus détaillés du diagnostic et de
la nature de la crise.
Les différents risques sont de mieux en mieux
documentés.
On commence à voir apparaître des tentatives pour
hiérarchiser les risques, si bien que des débats sur les différents types de
solutions deviennent possibles. A mesure que la crise s'amplifie on voit
apparaître aussi des réflexions de plus en plus hétérodoxes, ambitieuses et
créatives. Comme dans les grandes évolutions et transformations humaines du
passé, la transition que nous vivons s'élabore d'abord à travers la critique
épistémologique des cadres de référence du passé. Face à des équations
apparemment impossibles à résoudre et à des catastrophes apparemment
irrémédiables, les solutions ne peuvent être trouvées qu’en changeant d’échiquier
et en questionnant nos a priori. De nouvelles approches philosophiques,
artistiques et scientifiques sont en train d'émerger et de se préciser.
Trois
grands bouleversements ?
Au-delà des différentes approches théoriques et des
pratiques encourageantes qu'elles suscitent à différents niveaux d'échelle,
trois grandes difficultés me semblent subsister et devenir très préoccupantes.
Un nouveau rapport au temps : pour la première
fois l'humanité doit se préoccuper de son futur à long terme, anticiper des risques
majeurs, inventer des solutions en urgence et, avant qu'il ne soit trop tard,
les mettre en œuvre à l'échelle planétaire. L'humanité n'a jamais eu à faire
cela avant. Sera-t-elle capable d'apprendre dans les délais ?
Un nouveau rapport a la planète : jusqu’à
maintenant la planète constituait une ressource, et chaque nation se trouvait en
concurrence avec toutes les autres pour étendre son exploitation. Les enjeux
planétaires impliquent que les anciens ennemis apprennent à vivre comme dans
une famille en se soutenant mutuellement et en protégeant leur bien commun,
leur maison : la planète et sa biosphère. L'humanité sera-t-elle capable de
faire la paix ?
Le caractère planétaire de la crise appelle à une
gouvernance planétaire. La pollution ne connaît pas les frontières ! Mais
cette gouvernance ne pourra être légitime que si elle renouvelle la dynamique
démocratique et la délibération populaire. Or nous assistons, au contraire, du
fait même des inégalités croissantes, à l'hégémonie toute puissante de
nouvelles formes de ploutocraties, très minoritaire, qui monopolisent les
leviers du pouvoir sans légitimité démocratique.
Comment
gérer la famille humaine et ses limites ?
Pour se rendre compte des choix auxquels l'humanité
est confrontée, il se révèle intéressant de se projeter sur des temps longs qui
nous permettent comme des loupes de rendre évidents un certain nombre d'enjeux.
La population planétaire forme un exemple facile à
comprendre et très structurant.
Combien d'êtres humains souhaitons-nous compter sur
la planète Terre à un horizon de 100 ans, de 1000 ans, ou de 100 000 ans ?
Cette question est importante, car si nous devons
gérer la Terre comme la maison de la famille humaine et apprendre à nous aimer
plutôt qu’à nous déchirer, il est souhaitable d'être réaliste sur la taille de
la famille que nous pouvons entretenir dans de bonnes conditions pour chacun.
Il est facile aussi de comprendre que notre qualité
de vie dépend du nombre de personnes que nous souhaitons et du niveau de vie
général de la famille.
Si nous généralisons par exemple le modèle
américain, il nous faudra une dizaine de planètes pour supporter les 9
milliards que nous serons aux environ de 2050.
Avec le modèle européen il faudrait environ cinq
planètes.
Si les Américains considèrent que leur mode de vie
n'est pas négociable, comme l'affirme leur président, cela veut dire que nous
devons réduire à terme la population planétaire à moins d’un milliard, si nous
voulons une société relativement homogène.
Historiquement il est important de prendre en
considération que ce que nous appelons la société de consommation n'a touché
principalement qu’un milliard de personnes sur les sept milliards que nous
sommes à présent, tandis que l'impact sur la planète est déjà insoutenable. La
généralisation de notre mode de vie à l'ensemble de l'humanité est irréaliste
mais nous faisons croire cependant à l'humanité tout entière que nous sommes un
modèle viable ! Notre système bancaire fondé sur le crédit se nourrit de
la croissance. La croissance implique une constante augmentation de la
population ayant accès à la société de consommation. Actuellement le système
économique mondial serait en faillite sans la croissance des pays émergents. Cependant
l'intégration des 500 millions de nouveaux consommateurs pose de nombreux
problèmes en termes de ressources renouvelables et de respect de la
biodiversité. Qu'en sera-t-il dans un siècle et a fortiori dans mille
ans ? N'oublions pas que ces nouveaux consommateurs ne représentent qu’un
dixième du restant de l'humanité !
Comment vont réagir au cours de se siècle les 5
milliards d'êtres humains qui, loin de bénéficier du progrès, subissent sans
contrepartie et de plein fouet les effets pervers de notre développement : le
réchauffement climatique, la désertification de leur terres et la famine.
Voici un exemple très symbolique de l'injustice
flagrante du développement actuel vis-à-vis de certaines populations : la
pollution planétaire ayant tendance à se concentrer lentement aux pôles du fait
des courants marins, les phoques qui vivent dans ces régions sont empoisonnées
par des centaines de polluants différents et deviennent donc de moins en moins
comestibles. Les populations esquimaudes qui se nourrissent essentiellement de
phoque voient le lait maternel des femmes devenir toxique. Ce peuple frugal qui
vit depuis des dizaines de milliers d'années en équilibre avec la nature est
littéralement empoisonné et anéanti dans ses ressources essentielles du fait
des débordements du reste du monde.
Que
faire ?
J'aimerais conclure sur quelques pistes qui me
semblent incontournables si nous voulons sauver l'humanité et la biosphère avec
les espèces animales et végétales qui nous sont familières et que nous avons
appris à aimer.
Conscience
planétaire
Il est important d'ouvrir le dialogue et la
collaboration entre les pays, les religions, les cultures mais aussi les
expertises, les secteurs, les filières. Ce dialogue est important pour que des
consensus partagés et démocratique puissent émerger[9].
C'est aussi le moyen de la prise de conscience planétaire d'une nouvelle
identité humaine élargie.
Changement
de paradigme et philosophie intégrale
Comme à chaque grande transformation et étape du
développement humain, l'émergence d'un véritable "conscience
planétaire" implique une déconstruction et une analyse critique de nos
systèmes de croyances passés et de leurs limites. La découverte de l'unité
humaine, dans le respect des différences culturels et de l'altérité de chacun,
implique l'élaboration d'un nouveau paradigme culturel capable d'intégrer la
richesse multidimensionnelle de l'histoire humaine et la diversité des formes
de sagesse. Il s'agit d'élaborer une philosophie nouvelle et des valeurs
adaptées aux enjeux d'aujourd'hui.
Coévolution
et structures participatives
En termes de management nous devons développer des
structures horizontales qui permettent la créativité, la participation et la
mise en valeur du plus grand nombre.
Ré-enchanter
le futur
Il n'y pas de vent porteur pour le navigateur qui
ignore où il va ! Si l'humanité veut survivre, il lui faut s'extirper de la
torpeur et du laisser-aller. Il faut inventer des chemins alternatifs au
scénario catastrophe standard[10]
et créer, imaginer des scénarios positifs, crédibles et robustes pour l'avenir
de l'humanité.
Notre avenir dépend de notre capacité à recycler ce
que nous produisons, décharbonner notre modèle énergétique et inventer une
manière de capter le CO2 existant avant qu'il ne soit top tard.
Il nous faudra sans doute augmenter la résilience
et l'autonomie à différents niveaux d'échelle en relocalisant le plus possible
la production énergétique, alimentaire et industrielle au plus près du
consommateur final.
Dans le contexte de cette relocalisation il est
aussi important d'imaginer une diversité de modèles économiques et de monnaies
d'échange local permettant une meilleure fluidité et une meilleure distribution
de la richesse en réduisant les effets pervers de la spéculation et de la
concentration capitalistique au niveau mondial[11].
La relocalisation et la subsidiarité doivent être
complétées par l'élaboration d'une forme de gouvernance mondiale démocratique
en charge du bien commun et des enjeux planétaires à long terme. Il n'y aura
pas durablement de démocratie locale si nous n'apprenons pas à construire une
démocratie à l'échelle de la planète.
[1] Creationism not Evolution? 46%
American adults believe our world is less than 10,000 years old and God created
man in present form. Sondage
Gallup.
[2] Enseignant à l'Université
Stanford depuis 1990, Andrei Linde, un des plus grands cosmologistes de notre
temps, a formulé en 1982 une nouvelle théorie de l'univers qui se veut une
"amélioration" du modèle du Big Bang (l'explosion initiale à
l'origine de la création de l'univers). L'univers décrit par Linde enfanterait
de nouveaux univers par autoreproduction et selon une arborescence empruntée
aux mathématiques fractales découverte par Benoît Mandelbrot. Il y aurait donc
eu création d’un univers à partir duquel plusieurs bulles se seraient formées
de façon indépendante. Ces nouvelles bulles seraient en fait des points de
l'univers qui seraient entrés en expansion en eux-mêmes, sans affecter
l'univers originel. Chacun de ces univers aurait ses propres lois de la
physique et pourrait donner naissance à d'autres univers, et ainsi de suite. Ce
mécanisme donnerait lieu à un univers autoreproducteur éternel et infini dans
le temps et dans l'espace. Le modèle de Linde est à la fois très audacieux et
très novateur car il dépasse le problème de l'origine du Big Bang et se situe
dans un nouveau cadre théorique qui intègre la relativité générale et la
physique des particules (théorie quantique des champs et théorie des
interactions fondamentales) pour obtenir un cadre explicatif plus général. Ce
nouveau cadre, appelé "quintessencence" par certains physiciens, est
fascinant car il ouvre la possibilité mathématique et physique d'une création
ex nihilo, à partir de fluctuations du vide quantique.
[3] La théorie des champs akashiques d’Ervin
Laszlo: Science and the Akashic Field: An Integral Theory of Everything
propose un champ d'information comme substance primordiale du cosmos.
Utilisant le terme Sanskrit et Védique pour l'"espace", Akasha, il nomme ce champ d'informations le "champ akashique" ou "champ A". Il explique que le
"vide quantique" constitue l'énergie fondamentale qui transporte des
informations et informe non seulement l'univers présent, mais tous les univers
passés et futurs (ensemble, les "méta-univers"). Laszlo décrit
comment ce champ informant peut expliquer comment notre univers est si
profondément bien réglé ainsi que comment se forment les galaxies et la vie
consciente et pourquoi l'évolution est un processus non pas aléatoire, mais
réglé. Son idée est que son hypothèse peut résoudre plusieurs problèmes de la physique quantique, entre autres la non-localité et
l'intrication quantique. Son hypothèse permettrait également de régler des
différends entre religion et science.
[5] L'OMS -
qui estime que la pollution atmosphérique en milieu urbain serait responsable
d’1,3 million de décès annuels dans le monde - et par l'Union européenne, à
travers différents programmes et notamment Aphekom. Les principaux polluants incriminés sont des gaz (ozone, dioxyde d'azote, dioxyde de soufre...), des métaux lourds (plomb,
cadmium...), ou des particules en suspension dans l'air. http://www.lepoint.fr/futurapolis/climat-energie/du-risque-dans-l-air-10-09-2012-1504672_434.php
[7] « Les
émissions de gaz à effet de serre ont un effet cumulatif, c'est-à-dire que leur
effet s'additionne année après année, exactement comme l'effet de la fumée du
tabac s'additionne année après année sur les poumons du fumeur, pour le tabac
comme pour le climat, quand les ennuis sont là il est trop tard pour faire
machine arrière. De même, une fois que les ennuis du changement climatique
seront là, nous ne pourrons plus faire machine arrière, même en baissant les
émissions et la seule certitude que nous aurons alors est que les ennuis
iront en s'aggravant pendant un ou deux siècles au moins quoi que nous fassions. Il
est impossible de déterminer scientifiquement à quel moment
nous franchirons le seuil nous assurant d'une catastrophe climatique majeure
dans un futur plus ou moins lointain. Nous ne pouvons pas reprocher
aux pouvoirs publics notre manque de volonté personnelle pour moins prendre
l'avion, moins conduire, moins chauffer nos logements ou avoir des maisons
moins grandes, moins acheter de produits manufacturés, etc., et nous ne pouvons
raisonnablement demander à l'industrie de porter seule l'effort de réduction
des émissions, alors que sa contribution n'est que de 20 à 30% du total. Pour
le changement climatique comme pour le tabac, une large
partie de l'effort à fournir repose sur les épaules de vous et moi. »
http://www.manicore.com/documentation/serre/tabac.html
[8] « En
imaginant une croissance à deux chiffres comme toute économie dynamique peut
l’avoir si sa natalité ne fléchit pas, nous aurions déjà facilement atteint les
dix milliards d’êtres humains sur la planète en 2010, l’Europe et l’Amérique
seraient en plein boom, talonnées par la Chine et l’Inde. Le monde connaîtrait
une période de prospérité comme il n’a jamais connu. Deux milliards d’êtres
humains seraient en train de rejoindre le niveau de vie et la richesse des pays
les plus avancés. L’automobile verrait son marché tripler. En 2020 nous sérions
20 milliards d’êtres humains, en 2030 40 milliards, en 2040 80 milliards et en
2050 160 milliards. Ce développement qui serait tout à fait naturel si nous
n’étions pas limités par nos ressources correspondrait au pillage et à la
complète destruction de plus de 200 planètes. Si nous continuions à ce rythme-là,
nous dépasserions les 1000 milliards en 2100. C’est ce contexte de croissance
qui permettrait en effet d’assurer nos retraites, de valoriser nos actions par
une croissance à deux chiffres et de financer l’éducation et la recherche par
la promesse de développement futur grâce à des marchés émergeants. Si cette
croissance de dix pourcents est absolument nécessaire afin de rendre crédible
nos endettements et nos systèmes de retraite, on voit bien que, dans la
réalité, cette croissance débouche sur une situation écologiquement impossible
et insoutenable. Par contre, le fait que cette croissance soit aujourd’hui
impossible, rend chaque jour plus improbable le remboursement de nos dettes.
L’économie mondiale apparaît comme un château de cartes construit sur de la
dette insolvable et l’illusion d’une croissance future. »
Michel Saloff Coste, Prospective d'un monde en mutation, Harmattan, 2009
[9] C'est ce que développe le Club de Budapest à
travers Les soirées des Amis et l'Université Intégrale.
[10] C'est le rôle d'organisations telles que
"Design Me a Planet".
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