L’innovation : un phénomène complexe.
Pour avoir une idée de ce que sont les écosystèmes d’innovation, il faut déjà repartir de ce qu’est l’innovation et de son fonctionnement dans l’entreprise.
Écosystèmes d’innovation. Pourquoi ça foire ?
C’est quoi, les écosystèmes d’innovation ?
L’innovation : un phénomène complexe
Pour avoir une idée de ce que sont les écosystèmes d’innovation, il faut déjà repartir de ce qu’est l’innovation et de son fonctionnement dans l’entreprise. Plusieurs articles de ce blog ont abordé le sujet, parmi lesquels :
- Innovation : quelle définition ?
- Innovation : histoire d’un concept à succès
- Innovation : vers le market push
- et aussi : Quel avenir pour l’innovation ? (interview d’Olivia Lisicki)
Le processus d’innovation en entreprise peut en première approche être modélisé par le schéma ci-contre. Celui-ci 1 représente bien le consensus actuel concernant la façon dont on peut schématiser le process d’innovation et considérer que l’innovation émerge et se développe dans les entreprises. Le marché est le pivot de ce processus. Les technologies interviennent à plusieurs endroits dans ce schéma (dans la génération d’idées que peut apporter une « veille technologique » efficace, dans l’étude de faisabilité qui fait suite à l’exploration des concepts et dans la conduite des projets de développements -en particulier en phase de prototypage). La « recherche » n’est pas dans le schéma mais, bien sur, elle peut être nécessaire lorsque l’état des technologies accessibles à l’entreprise ne permet pas d’aboutir aux produits imaginés (plusieurs pistes alors : R&D interne, prestations ou coopérations avec des laboratoires ou des centres techniques, rapprochement avec des pôles de compétitivité, ..).
Le diagramme ci-dessous (Kline et Rosenberg) permet en particulier de situer l’activité de recherche en dehors du processus d’innovation de l’entreprise. Il y est fait appel lorsque les idées de produits souhaités par l’entreprise imposent des contraintes technologiques qu’elles ne peut résoudre. Lorsque c’est le cas (l’entreprise ne « sait pas faire » le produit qu’elle a imaginé correspondre aux besoins de ses clients), elle se rapproche de partenaires ou de prestataires qui ont plus de compétences ou de connaissances sur le sujet et qui, eux, « savent peut-être faire » (exemple : centres techniques). Si l’état de la technologie directement accessible ne permet pas de fabriquer ces produits imaginés par l’entreprise, alors il est envisagé de faire appel à des centres de recherche qui permettront d’augmenter les connaissances dans le domaine et, peut-être, de résoudre les problèmes techniques qui empêchaient l’entreprise de fabriquer les produits qu’elle avait imaginés.
L’entreprise en réseau
Tout cela est bien beau mais la réalité est infiniment plus complexe : chaque entreprise est insérée dans un réseau complexe d’acteurs. Dès les années 1980, les analyses d’un chercheur américain 2 ont cherché à cartographier l’environnement des entreprises, ont insisté sur l’importance de cet environnement sur leur performance et ont popularisé le concept de cluster. Il a défini les clusters comme des concentrations géographiques d’acteurs interconnectés : industriels, scientifiques et acteurs locaux qui sont en compétition, mais également coopèrent 3. La concentration, sur un même territoire, d’acteurs d’un même domaine ou secteur d’activité apporte à ces acteurs un avantage compétitif. Il a même souligné l’apparent paradoxe qu’il pouvait y avoir à constater l’importance des connexions de proximité des entreprises, à l’heure où le monde rapetisse et où tout semble être à portée d’un ou deux clics. M. Porter explicite son concept de cluster en prenant l’exemple de celui du vin en Californie :
On retrouve donc les viticulteurs mais également les organisations publiques (agences, universités, associations commerciales, …) et les entreprises et clusters liés au vin soit en amont de la production (fabricants de bouteilles et de tonneaux, agriculture, irrigation, …) soit en aval (tourisme, restauration, …). Le plus simple pour comprendre les analyses de Michael Porter est peut d’être de lire ces petits livres très pédagogiques :
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Les écosystèmes d’innovation
Si vous cherchez un peu d’informations sur les écosystèmes d’innovation français, nul doute que vous tomberez rapidement sur des articles hagiographiques ou critiques sur les pôles de compétitivité. Ces derniers sont très intéressants et souvent utiles, même s’ils ne sont pas exempts des défauts liés aux circonstances de leur naissance (le réflexe très français de créer « top-down » des structures pour le bien de PME qui ne les avaient pas demandées, et de multiplier ensuite les efforts pour les faire [sur-]vivre; plutôt que de s’appuyer sur les démarches entrepreneuriales au plus près du terrain).
Autant le dire tout de suite : les pôles de compétitivité NE SONT PAS des écosystèmes d’innovation, mais FONT PARTIE de ces écosystèmes.
Quand on parle d’écosystèmes d’innovation, on empreinte évidemment la métaphore au domaine de la biologie 4. Dans le monde des affaires comme dans la nature, aucune espèce ne peut survivre sans innovation. Si les ressources sont abondantes et si le milieu n’exerce pas une forte pression de sélection, les espèces peuvent se maintenir sans changements pendant de longues périodes. L’innovation leur est inutile. Des mutations innovantes peuvent se produire, mais les nouveaux individus en résultant ne sont pas favorisés par rapport à ceux de l’espèce en place et ils disparaissent. Il en résulte une incapacité à se diversifier et se complexifier, qui peut se révéler mortelle dès que diminuent les ressources ou qu’apparaissent de nouveaux concurrents.
Chez les organismes biologiques soumis à la compétition darwinienne, l’innovation se produit par les voies complexes de la mutation aléatoire affectant telles ou telles parties du génome reproductif. Les changements en résultant ne sont pas nécessairement favorables à de meilleurs conditions de survie. La plupart au contraire peuvent être mortels. Dans de très rares cas cependant apparaissent des formes d’organismes mieux adaptés que les parents aux nouvelles conditions du milieu. Ces nouveaux organismes, s’ils peuvent former de nouvelles lignées, présentent alors par définition des caractères différents de ceux des prédécesseurs. On pourra dire qu’il s’agit d’innovations, en ce sens qu’ils s’agit de caractères nouveaux n’existant pas auparavant. Mais ces innovations n’ont pas d’intérêt en elles-mêmes, elles n’ont d’intérêt que si elles favorisent la survie et le succès compétitif de l’espèce bénéficiaire.
Si l’on considère les organismes sociaux comme des organismes biologiques en lutte pour la survie, on voit que de la même façon l’innovation leur est indispensable pour s’adapter à des milieux changeants et à l’apparition de compétiteurs.Il s’agit donc d’encourager les innovations pour aider les organisations à évoluer. Mais l’innovation réussie ne se commande pas à l’avance. Il faut donc admettre le recours au plus grand nombre possible de processus innovants, en espérant que de cet ensemble naîtra le plus grand nombre possible de changements bénéficiant à la survie de l’organisme. Il s’agira donc de créer un climat permanent d’évaluation et de critique des processus existants, afin de faire apparaître les modifications ou innovations permettant de rendre plus efficace l’organisme entier et, plus globalement, le territoire sur lequel il évolue. Le terme d’écosystème signifiera que l’innovation, idéalement, devrait s’imposer à tous les acteurs de ce système sans qu’ils aient à en faire une démarche particulière. De la même façon, dans la forêt tropicale, les différentes espèces mutent spontanément à un rythme accéléré compte tenu de la richesse et des variations du milieu.
Chez les organismes biologiques soumis à la compétition darwinienne, l’innovation se produit par les voies complexes de la mutation aléatoire affectant telles ou telles parties du génome reproductif. Les changements en résultant ne sont pas nécessairement favorables à de meilleurs conditions de survie. La plupart au contraire peuvent être mortels. Dans de très rares cas cependant apparaissent des formes d’organismes mieux adaptés que les parents aux nouvelles conditions du milieu. Ces nouveaux organismes, s’ils peuvent former de nouvelles lignées, présentent alors par définition des caractères différents de ceux des prédécesseurs. On pourra dire qu’il s’agit d’innovations, en ce sens qu’ils s’agit de caractères nouveaux n’existant pas auparavant. Mais ces innovations n’ont pas d’intérêt en elles-mêmes, elles n’ont d’intérêt que si elles favorisent la survie et le succès compétitif de l’espèce bénéficiaire.
Si l’on considère les organismes sociaux comme des organismes biologiques en lutte pour la survie, on voit que de la même façon l’innovation leur est indispensable pour s’adapter à des milieux changeants et à l’apparition de compétiteurs.Il s’agit donc d’encourager les innovations pour aider les organisations à évoluer. Mais l’innovation réussie ne se commande pas à l’avance. Il faut donc admettre le recours au plus grand nombre possible de processus innovants, en espérant que de cet ensemble naîtra le plus grand nombre possible de changements bénéficiant à la survie de l’organisme. Il s’agira donc de créer un climat permanent d’évaluation et de critique des processus existants, afin de faire apparaître les modifications ou innovations permettant de rendre plus efficace l’organisme entier et, plus globalement, le territoire sur lequel il évolue. Le terme d’écosystème signifiera que l’innovation, idéalement, devrait s’imposer à tous les acteurs de ce système sans qu’ils aient à en faire une démarche particulière. De la même façon, dans la forêt tropicale, les différentes espèces mutent spontanément à un rythme accéléré compte tenu de la richesse et des variations du milieu.
Les écosystèmes qui fonctionnent ?
Quelles sont donc les caractéristiques principales des écosystèmes d’innovation qui fonctionnent ? Puisque, comme nous l’avons vu, le secret réside dans la mise en place d’un climat permanent d’évaluation et de critique des processus existants, une des façons d’y parvenir est de valoriser les personnes curieuses et anticonformistes.
C’est par exemple une des raisons principales du succès de certaines universités américaines (en tout les cas, celles qui sont dans le haut du classement). D’après Jean-Lou Chameau (ex-président de CalTech -États-Unis-), elles engagent en outre très tôt les jeunes dans la recherche, ce qui est un facteur fondamental de la culture de la prise de risque, et qui diffère beaucoup de la France ». Cette analyse est confirmée par Nicolas Dufourcq, PDG de Bpifrance, qui insiste lui aussi sur l’importance qu’il y a à « isoler des ilots non conformistes dans une société conformiste ».
Les autres caractéristiques des écosystèmes qui fonctionnent ?
- avoir des « structures flexibles, avec peu de bureaucratie » et une « attitude pro-business », qui « attaque très vite les marchés globaux », dans un environnement caractérisé par une « compétition collaborative » et où « les gens travaillent beaucoup » ;
- « célébrer l’échec dans le tissu professionnel et social » ;
- privilégier « une recherche orientée vers des objectifs », qui « encourage les collaborations entre étudiants et enseignants-chercheurs ». La différenciation entre recherche fondamentale et appliquée apparait alors « dépassée » : « C’est un continuum. Ce qui change, c’est le but. » Les universités de recherche ne sont d’ailleurs pas suffisantes en elles-mêmes : elles sont « suppléées par un réseau de formation professionnelle très développé ».
Il faut être David contre Goliath (Nicolas Dufourcq)
Un autre point, difficilement quantifiable, est l’ambition. Il faut avoir une ambition mondiale, tout de suite. Toujours d’après Nicolas Dufourcq, « il faut être David contre Goliath« . Si beaucoup en France se satisfont de 5-6 % de croissance et de 20 M€ de chiffre d’affaires, ce « manque d’ambition » ne peut aboutir à des champions mondiaux. Les Renault, Citroën, Niel ou Drahi, ont eu et ont des ambitions mondiales. Il existe peu de profils comme le leur.
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Les raisons de l’échec français …
Bon si on résume, on peut commencer à comprendre pourquoi les écosystèmes d’innovation paraissent souvent moins performants en France que dans d’autres pays.
Les personnes anti-conformistes ne sont pas valorisées mais au contraire écartées des carrières les plus prestigieuses ou des postes à responsabilité. Notre pays est un pays de corps et de statuts où l’on est parfois encore jugé sur le diplôme qu’on a obtenu 20 ans plus tôt. Tout le système éducatif est orienté vers la sélection des élèves, sur la base de leur capacité à se mouler dans le discours de l’institution et des enseignants.
Une autre raison de l’échec de beaucoup de nos initiatives pour mettre en place des écosystèmes d’innovation, c’est la « conceptualisation trop forte » des dispositifs de soutiens. On dissèque les processus d’innovation, on essaie de créer autant d’outils qu’il y a de situations, on multiplie les interfaces entre tous ces dispositifs … et on arrive à la fin à quelque chose de très complexe, de bureaucratique, qui étouffe les initiatives entrepreneuriales. On oublie que les processus à l’œuvre sont complexes et imprévisibles.
Autre problème, on surestime également dans notre pays l’impact et le rôle des acteurs publics. Il faut absolument favoriser les « initiatives entrepreneuriales » (au sens large, pas forcément ce qui vient des entreprises, mais aussi des associations, des chercheurs, de la société civile, …). L’état ne peut pas tout, et souvent il innove moins bien et moins vite que les acteurs qui sont au plus proche du terrain. Ce que les acteurs publics peuvent faire, c’est favoriser les interactions entre ceux qui ont des initiatives, les entreprises, les universités, les apporteurs de financement, … Il faut que la triple hélice , celle qui rassemble les entreprises, les organismes de la recherche et de la formation et les autorités (ou la quadruple si on ajoute la société civile), tourne à toute vitesse !
Ce qui se rapprocherait le plus d’un cluster d’innovation serait l’addition de Saclay et du Sentier, mais on n’a pas encore la réunion des deux (François Villeroy de Galhau)
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